4.2 - LE FINANCEMENT PUBLIC DE LA DIFFUSION.


L'intervention du ministère de la Culture dans le domaine des musiques actuelles a toujours été plus ou moins déterminée par les filières industrielles qui utilisent le spectacle vivant comme support de promotion et de soutien à la consommation dans leur logique purement commerciale (séduire le plus vite, le plus de public possible). Cette logique de profit à court terme ne contribue pas forcément à la recherche de la valeur artistique et culturelle (cf les plus grosses ventes de CD 2 titres en France et en Europe et notamment le phénomène Boys Band).

Néanmoins les collectivités publiques soutiennent de plus en plus les aides à la diffusion de groupes à la démarche plus artistique que commerciale. Par aide à la diffusion, nous entendons tout ce qui participe à faciliter la rencontre de l'artiste et du public, en se plaçant dans une perspective de développement de carrière »
1. Il peut s'agir d'aides directes à l'artiste (techniques et financières) ou indirectes qui concerne alors les équipements et les organisations qui accueillent les musiques actuelles amplifiées. Le système d'aide à la diffusion des musiques actuelles amplifiée est composé de deux grands types de financement, l'un est national et regroupe des fonds de soutien divers (FCM, FAIR, Fond de Soutien, etc...), l'autre est local et notamment départemental (ADDM) puisque la région reste encore à l'écart.

 

4.2.1 - LA SENSIBILISATION RECENTE DES ACTEURS POLITIQUES AU PHÉNOMÈNE MUSICAL AMPLIFIÉ


La reconnaissance culturelle des musiques actuelles amplifiées par les institutions est relativement récente car elles ne remplissaient pas les conditions nécessaires. En effet, elles sont trop récentes et n'apparaissent à certains que comme une succession de modes et non comme une expression artistique, reflet de notre société. En outre, son émergence dans le milieu populaire l'a également éloigné des pratiques des élites notamment institutionnelles. Enfin, la prédominance de la technique et du commerce de masse pour une partie de ces musiques semblerait les éloigner des critères artistiques des institutions. Cependant, l'attention apportée par l'Etat et les collectivités locales au cas des musiques amplifiées semble s'accroître régulièrement depuis les années 80.



A - Rappel historique.

Au début des années 80, face à la pénurie des moyens mis à leur disposition, des réseaux de professionnels, d'acteurs et d'amateurs de musiques amplifiées se structurent et se regroupent en réseau rock. Ce mouvement remonte à la direction de la musique qui prend conscience de l'échec de leur politique de Centre Régionaux de la Chanson en décalage complet avec l'évolution musicale.

C'est par la mise en évidence que la musique amplifiée et/ou actuelle ne relevait pas seulement du secteur marchand que le 17 décembre 1984 Jack Lang inaugure la politique culturelle avec une conférence de presse, au Gibus, spécialement consacrée au rock, n'évoquant que des actions de reconnaissance de l'espace social et culturel du rock : aides aux lieux de diffusion caractérisés par une programmation tournée vers de jeunes artistes

En 1985, le premier budget "Musiques d'Aujourd'hui " atteignait 18 millions de francs. Ces aides se répartissaient entre des subventions de fonctionnement allouées à des projets ponctuels d'activités musicales ainsi qu'un soutien apporté aux équipes qui assurent la promotion de groupes régionaux et animent des lieux (opération et parution du guide "Maxi Rock et Mini Bruit" en 1985). En outre, le ministère apportait un soutien aux lieux de répétition directement ou indirectement par l'utilisation de convention avec des villes. Enfin, des conseillers techniques sont mis à disposition des équipements. Cette politique évitait l'intégration institutionnelle du rock resté marginalisé mais surtout ne développait pas de programme d'équipements adaptés à la diffusion musicale amplifiée hormis le programme Zénith qui était cependant consacré à la création de très grande structure de 7000 places...

Le rock est enfin reconnu par l'Etat, cependant, le ministère éprouve des difficultés à rencontrer les acteurs de la musique amplifiée et décide avec le projet de politique de la jeunesse d'orienter alors le monde du rock vers une professionnalisation et d'organiser une véritable économie du secteur. Le Ministère de la Culture tend à vouloir aider les productions françaises face aux étrangères très présentes sur le marché des musiques amplifiées. C'est ainsi que l'on a vu le budget consacré au rock, chansons et variétés augmenté de 50% en 1990 pour atteindre 43 MF et 46 M.F. en 1994 (soit un budget multiplié par 5 en 10 ans). En 1991, le Ministère encadre le programmes des Cafés-Musique souvent mis en relation avec le programme de Développement Social de Quartier (DSQ) initié par Michel Rocard. En outre, le ministère multiplie ses partenariats avec des événements culturels de musiques amplifiées (Transmusicales et Art Rock en Bretagne). Depuis 1995, les Scènes de Musiques Actuelles (SMAC) font parties du nouveau programme de développement de la diffusion et de la création des musiques amplifiées à l'instar des scènes nationales de théâtre. Cependant la disproportion de moyens entre la musique amplifiée et les autres formes musicales sont encore très importantes et "les choix politiques pris par l'Etat, conduisent à la négation des pratiques et à une difficile intégration des collectivités territoriales dans leur rôle premier de gestion des populations et de leurs attentes fondamentales"
2.


B - La diffusion des musiques actuelles : nouveau support de la politique d'image des collectivités.

Financer les événements et les équipements de diffusion de musiques actuelles s'inscrit dans les nouvelles stratégies de communication des collectivités locales qui tentent ainsi de rajeunir et de dynamiser l'image du territoire dont elles ont la charge. Les municipalités sont les principales concernées par cette politique d'image car elles perçoivent mieux les retombées directes néanmoins on peut également retrouver des actions ponctuelles des départements et de la Région. Les différents exemples ci-dessous représentent les différents types d'actions de soutien à la diffusion des musiques actuelles menées par les collectivités bretonnes dans une logique de dynamisation de leur image.

- Le Conseil Général des Côtes d'Armor et la Ville de Saint-Brieuc.
Le département des Côtes d'Armor est le moins peuplé de la Bretagne et son image reste celle d'un territoire rural en déclin avec un solde migratoire négatif et un vieillissement de sa population. Afin de modifier cette image, le Conseil Général soutient depuis quelques années des festivals de musiques actuelles dont le principal est Art Rock à Saint-Brieuc. Sur le budget de 2,76MF de l'édition 96 du festival, la quatorzième, la ville de Saint-Brieuc en subventionne 13,5%, le département ainsi que l'Etat en ont financé 12,7% chacun et la région 5,2%. On peut souligner que le département et la ville ont communiqué conjointement pendant le festival en affichant le slogan "Un souffle rock sur la Bretagne".

- Ville de RENNES (Ille et Vilaine)
Dans le cas de la ville de Rennes, après une relative méfiance au début des années 80
3, la municipalité a compris l'enjeu de l'image rock dont la ville commençait à jouir en France grâce d'une part au festival des Transmusicales crée en 1978 mais également par l'importance nationale des artistes rock ou variété-rock issus de la scène rennaise d'autre part (voir Marquis de Sade, Etienne Daho, Niagara, Marc Séberg, Pascal Obispo...) Depuis 1987, la municipalité subventionne largement le festival des Transmusicales ainsi que le café-concert de l'UBU et d'autres associations rennaises qui organisent des concerts dans les bars et les différentes salles de la ville.

Rennes qui est régulièrement classée comme étant la ville plus agréable à vivre en France n'hésite pas à communiquer sur son image jeune, étudiante et rock. Elle a même été désignée comme la capital du rock en France dans les années 80. Après quelques tensions avec les associations locales qui estimaient que les Transmusicales avaient trop de subventions, la commune a lancé une réflexion sur la place des équipements et des différents partenaires qui travaillent dans les musiques actuelles. Rennes fait également partie de l'Association des grandes villes de l'Ouest qui organisent un colloque sur les Politiques Publiques et les musiques actuelles à Nantes. (voir également dans le 4.2.2 c).

- Ville de CARHAIX et le GALCOB (Finistère)
Contrairement à Rennes, la commune de Carhaix, à peine 9000 habitants dans un centre-Bretagne en pleine crise démographie a accompagné dès le début le développement du festival des Vieilles Charrues (voir aussi 3.1.3 et 4.1.1) organisé par une association locale qui a enregistré lors de sa septième édition en 1998 un record d'entrée de 100 000 personnes en trois jours grâce à une programmation extraordinaires à prix très réduits (de 65 à 80 francs la soirée), ce qui est unique en France. Le festival a permis à la ville d'améliorer sensiblement son image de ville en déclin et de faire découvrir à des milliers de personnes le centre-Bretagne relativement plus méconnu par les touristes et de la population bretonne côtière et citadine.

- Ville de SAINT-MALO (Ille et Vilaine) :
La ville de Saint-Malo a accumulé un retard très important au niveau des actions en faveur des musiques actuelles dans les années 80. La politique de la municipalité malouine a très longtemps ignoré l'importance culturelle des musiques actuelles et très peu de concerts ont pu être organisés dans la ville par manque de structure de diffusion, par interdiction de la commune, par un départ des musiciens, des associations et du public vers le pôle rennais. En outre, les subventions municipales attribuées aux associations organisatrice de concert sont très faibles.

Une association malouine en coproduction avec une association rennaise a néanmoins réussi à créer le festival "La Route du Rock" qui ne cesse d'accroître sa renommée nationale depuis sa création en 1991. Le festival a eu un réel effet d'entraînement sur le projet culturel de la municipalité malouine car elle s'est trouvée dans la situation paradoxale de la ville qui accueille un des festivals de musiques actuelles le plus en vue au niveau national alors qu'elle ne possède pas un seul lieu public ou privé capable de diffuser des concerts dans l'année. La musique amplifiée n'est pas le seul paradoxe puisque la ville accueille et subventionne également les deux festivals de renommée nationale Etonnants Voyageurs et Quai des Bulles, tous deux sur le thème de la lecture alors que la bibliothèque de Saint-Malo est très vétuste, sans budget conséquent et en complète inadéquation avec l'image donnée par les festivals.

Cependant, la ville de Saint-Malo a pris conscience de ces disproportions entre la grande politique d'image par les festivals et la faiblesse des équipements culturels pour les malouins au cours des années 90. La commune s'est donc engagé à investir près de 9 millions de francs (dont le tiers serait pris en charge dans le cadre du contrat-ville avec l'Etat et la Région) dans un équipement de musiques actuelles à proximité d'un centre d'animation existant déjà. Le centre devrait avoir une superficie globale de 1500m2 sur deux étages. En plus de la salle de concert de 600 places dont 350 debout, l'équipement serait aussi un centre de formation, d'information avec un point inforock mais aussi un lieu de répétition et d'enregistrement avec quatre studios équipés. Ce nouveau complexe musical, l'un des premiers en Bretagne, devrait fonctionner avec un directeur, une secrétaire comptable, des emplois jeunes et des intermittents du spectacle.

Dans le cas de Saint-Malo, la politique culturelle de l'événementiel a débouché sur une action plus ou moins contrainte de développement local durable même si l'équipement devient à son tour un symbole municipal avec un fonctionnement public peut-être trop rigide dans ce genre de structure. Il ne faut pas que la commune oublie de suivre le projet avec les accompagnements qu'il implique car le danger vient du fait que "les élus font volontiers de la construction d'un équipement le symbole de l'efficacité et du dynamisme de leur municipalité. Certes, une construction est l'expression d'une volonté de créer une image nouvelle, mais l'équipement culturel ne saurait être un objectif en soi."
4


- Commune de SAINT-NOLFF (Morbihan):
Le cas de Saint-Nolff est très différent car il s'agit premièrement d'une petite commune de 3500 habitants en milieu périurbain vannetais. En outre, la municipalité est très récente puisqu'elle a été élue aux élections de juin 96 avec entre autres un projet de développement culturel durable de la commune par le biais de la création d'un festival de musiques actuelles et traditionnelles accompagnées d'une grande fête de la musique ainsi que l'aménagement d'une petite salle de spectacles vivant et notamment de musiques actuelles.

De petit festival local, le projet de festival de Saint-Nolff (voir également chapitre 3.1.3) est devenu dès sa première édition l'un des plus grand festival de musique actuelle de l'ouest avec 18 000 entrées en 1997 et 25 000 entrées en 1998. La commune se retrouve donc sur le devant de la scène et confrontée à gérer au mieux son image diffusée au niveau national. Contrairement à Saint-Malo, la municipalité de Saint-Nolff accompagne dès le début le développement culturel musical sur l'année et ne reste pas limitée à un festival ponctuel. On peut néanmoins être étonné que le District du Pays de Vannes et le Conseil Général du Morbihan ne se sentent pas plus impliqués par ce projet.

 

4.2.2 - LES DISPOSITIFS D'ÉTAT.


L'Etat confronté à l'essor des musiques actuelles a mis en place plusieurs organismes chargés de développer les musiques actuelles et amplifiées par le biais de l'information, la formation, la création d'équipements, le financement de diffusion...

Parmi ces organismes dépendant de l'Etat on trouve le CIR, Centre d'Information Rock, créé en 1985 afin de centraliser et de diffuser toutes les informations utiles à l'échelle nationale, européenne et internationale dans le domaine rock. Il donne naissance au Fond d'Action et d'Initiative Rock (FAIR) qui permet chaque année à 15 groupes d'êtres lancés dans une carrière professionnelle, en bénéficiant pendant deux ans d'une action d'information et de formation, d'un appui professionnel et surtout d'une aide financière aux tournées.

La Direction de la Musique s'emploie à la diffusion nationale des musiques rock en soutenant financièrement les festivals de musiques amplifiées, à l'exemple des Transmusicales de Rennes et du Printemps de Bourges. L'action des pouvoirs publics en faveurs des musiques actuelles passe également par l'aide à la création de salles de toutes tailles. Le programme des grandes salles Zénith est encore poursuivi. Un programme de soutien (conseils techniques) aux petites salles de spectacles (moins de 400 places) est également mené par le Ministère de la Culture.

Les cafés-musiques créés en 1991 par la DDF, Délégation au Développement et aux Formations, sont passés en 1996 sous la tutelle de la DMD, Direction de la Musique et de la Danse, afin de les harmoniser aux politiques de diffusion musicale encadrées par la DMD. Les SMAC sont alors divisées en quatre catégories :
- Les Cafés Musiques.
- Les lieux spécialisés sur une thématique.
- Les salles généralistes de 300 à 600 places.
- Les complexes musicaux (diffusion, répétitions, formation, information, enregistrement).

L'Etat s'engage auprès de ces salles en passant une convention avec la scène et la collectivité locale pour une durée de trois ans en spécifiant les principaux axes à suivre car la prise en compte des pratiques musicales actuelles par les pouvoirs publics, ne peut exclure dans le cadre de politique culturelle les conditions de leur création et de diffusion. La reconnaissance culturelle dont bénéficie les musiques amplifiées a aujourd'hui pour effet d'amener des acteurs de plus en plus nombreux à s'interroger sur les conditions d'insertion de ces pratiques musicales dans l'espace urbain. En effet ces musiques réclament une réponse publique, une action prenant en compte leur nature et leur réalité procurant ainsi des moyens d'existence à une expression citoyenne et artistique.

Une politique en faveur des musiques amplifiées doit garantir l'existence de lieux spécifiques. Dans la mesure où ces musiques dont l'esthétisme requièrt un volume sonore important, entraînent souvent des gênes pour le voisinage. L'isolation acoustique des salles de spectacles et des studios de répétitions, constitue la condition de cette existence. L'état doit avoir également un rôle d'accompagnement de la démarche des diffuseurs pour la protection du public de musique amplifiée en participant à l'aménagement acoustique des salles.

En 1997, Catherine Trautman, nouveau ministre de la Culture déclarait : "je souhaite mettre en place la nouvelle commission nationale des musiques actuelles en 1998. Nous sortons de l'opération SMAC et l'enjeu n'est plus de lancer une action ponctuelle pour augmenter des budgets ici ou là. Nous considérons ces établissements comme des lieux culturels puisqu'ils disposent de salles de concert, de studios de répétition, beaucoup d'entre eux sont gérés de façon très professionnelle, génèrant un nombreux public, pratiquent une politique de prix très accessibles et jouent un rôle de détecteur de talents. Je veux les inscrire durablement dans le paysage culturel. Ce type de salle bénéficiera d'une augmentation budgétaire destinée aussi bien à en créer de nouvelles qu'à mieux répondre à celles qui existent. La commission va aborder les problèmes d'aménagement, de fonctionnement, de droit, de fiscalité, de sonorisation, etc..."
5

Sinon, il existe aussi le Fond de Soutien à la chanson , aux variétés et au jazz créé en 1987 est une association 1901 (250 adhérants titulaires d'une licence de spectacle) sous la tutelle du Ministère de la Culture qui est habilitée à redistribuer les taxes parafiscales prélevées sur les spectacles par la SACEM afin d'aider les festivals, la production de spectacles, les tournées en France ou à l'étranger, les premières parties et le développement de carrière. En 1995, le montant des aides ainsi distribuées s'élevait à 30 MF.

Le FCM, Fond pour la Création Musicale créé en 1984, est également une association 1901 qui redistribue également des aides pour les tournées et concerts promotionnels ainsi que des aides pour les festivals et les aides à l'exportation. Ce fond est né de l'union des Sociétés Civiles de perception et de répartition des droits d'auteur et droits voisins, les SPRD regroupant la SACEM, SACD, ADAMI, SPEDIDAM, SCPP, SPPF, et des syndicats.


 

4.2.3 -LES SOCIÉTÉS CIVILES.


En France, le code de la propriété intellectuelle (loi du 1-07-1992 et décret du 10-05-1995) protège l'auteur. Il définit ses droits et ses conditions d'exercice notamment le droit exclusif d'exploiter ses oeuvres et d'en tirer profit. Outre un droit moral sur son oeuvre, il est reconnu à l'auteur des droits patrimoniaux pour sa représentation (communication de l'oeuvre directement au public par tout procédé et notamment par exécution publique et diffusion audiovisuelle) ou sa reproduction (fixation matérielle de l'oeuvre sur tout support permettant de la communiquer au public de manière indirecte par des disques, films ou vidéos).

Les SPRD chargées de la perception et de la redistribution des droits sont très particulières. De droit privé, elles sont sous la tutelle du ministère de la Culture et dérogent au droit des sociétés commerciales. Elles échappent ainsi aux exigences de la concurrence et d'organismes de contrôle sérieux comme la Cour des comptes. "Cet étonnant mélange d'avantages du privé et de privilèges d'un monopole produit parfois de fait, des effets désastreux. (...) De nombreux artistes, jeunes ou confirmés, s'interrogent. Le parlement s'inquiète : deux projets de loi, à l'Assemblée et au Sénat, visent à instaurer un contrôle des SPRD par la Cour des Comptes. "
6

La SACEM surnommée le navire-amiral des SPRD a été créée en 1851 et rassemble 76 000 membres : auteurs-réalisateurs, compositeurs, éditeurs, poètes et disc-jockeys. Cependant 12000 perçoivent des revenus et 1200 gagnent plus du SMIC alors que la SACEM emploie 1500 personnes dont la moitié dans 94 délégations et 9 directions régionale (la direction de la région Bretagne est à Rennes). On peut également noter que le salaire mensuel moyen à la SACEM est de 18723 francs. En outre, "l'informatique est sous-représentée au bilan de la SACEM. Pourtant elle ne gère que des flux d'information ou d'argent"
7.

La fonction principale de la SACEM est économique par la gestion des droits d'auteur (voir
figure 1 ). Elle répartit à ses membres les redevances collectées (60% de l'ensemble des droits en France) auprès des différents diffuseurs et des producteurs de disques et vidéos. En 1996, ses perceptions ont atteint 3,2 milliards de francs dont 30% proviennent des médias, 28% des spectacles ou lieux sonorisés, 24% prélevés sur les ventes de disques et 18% de la diffusion d'oeuvre à l'étranger. Ensuite, la SACEM déclare avoir une fonction sociale, par la mise en place de mécanismes de solidarité pour ses membres âgés ou en difficulté. La fonction culturelle de la SACEM réside dans ses actions menées dans l'aide à la création et à la diffusion musicale (plus de 36 millions de subventions par ans). Enfin, la SACEM a une fonction professionnelle car elle participe à la promotion du répertoire musical national et assure une mission de communication et d'information en direction de ses membres et du grand public. C'est aussi un organisme de consultation et de représentation professionnelle pour les pouvoirs publics.

Le mode de calcul des droits d'auteurs est indépendant de l'origine, du genre et de la durée des oeuvres. L'auteur doit être intéressé à l'exploitation de son oeuvre ; les droits d'auteurs sont donc proportionnels aux recettes (entrées, restauration, consommation) et une redevance minimale est calculée d'après les dépenses engagées. En aucun cas la rémunération des auteurs n'est déterminée en fonction du bénéfice.

On note cependant que les organisateurs de concerts de musiques amplifiées sont tous soumis à la redevance SACEM alors que les organisations de concert de musique traditionnelle et notamment les Fest-Noz n'y sont pas soumises du fait de l'ancienneté des droits qui sont tombés dans le domaine public.
8 Cette différence se traduit souvent par une différence de tarif entre un concert de rock et un Fest-Noz qui excède rarement 40F. En outre, de ces incohérences de prélèvement, il existe également un grand déséquilibre dans la redistribution.

 



4.2.4 - LES DISPOSITIFS D'ACTIONS DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES.


Dans le sous-chapitre 2.1.2 on a pu relever que le GEMA s'intéressait aux régions Bretagne et Pays de Loire dans le cadre de son étude sur l'approche économique des musiques amplifiées et/ou actuelle car elles sont le siège d'activités représentatives des évolutions récentes du champ musical concerné ici. En particulier des nouvelles formes de coopération et d'équilibre semblent se dessiner entre les initiatives du secteur marchand, les actions militantes et l'intervention croissante des collectivités territoriales. "La réalité du secteur des musiques amplifiées conduit également les collectivités territoriales à intervenir pour faciliter la pratique des amateurs, ce qui ne se fait guère dans les autres secteurs de la vie artistique et culturelle locale"
9. L'intervention des collectivités territoriales dans le champ des musiques amplifiées relève d'un double enjeu, le premier relevant d'une action sur les publics et le second sur une démocratisation culturelle.


A - La Région

Les Conseils Régionaux sont peu nombreux en France à marquer une volonté politique forte et à mettre en oeuvre des actions repérables visant au développement des musiques actuelles. L'action du Conseil Régional de Bretagne en faveur des musiques actuelles amplifiées est longtemps restée limitée à l'attribution de petites subventions essentiellement concentrées sur quelques festivals (voir tableau ci-dessous) alors qu'une région comme la Région Nord-Pas de Calais par l'entremise de la DRAC a créé une Aide aux artistes en développement mise en oeuvre par l'Association Domaine Musiques
10. Cette aide peut être comparée au FAIR en version régionale. Néanmoins la DRAC de Bretagne a créé une mission en 1995 (gestion administrative de cette mission a été confiée à l'ARCODAM, Association Régionale de Coordination pour le Développement des Activités Musicales et chorégraphiques) qui doit faire le bilan de la situation régionale et faire des propositions au cas où la création d'un pôle régional des musiques d'aujourd'hui en Bretagne s'avérait nécessaire. Le rôle de ce pôle consiste à reprendre et amplifier les missions des correspondants et les antennes locales de structures nationales dans le cadre d'une mission régionale d'information et de diffusion. En outre, il pourrait permettre de relancer une coordination des petits lieux musicaux (disparue depuis 1993) et qui constituent une base incontournable pour la diffusion des groupes. Le rôle du pôle régional consistera également à repérer les lieux qui diffusent des artistes en développement, comment ils s'y prennent, s'ils sont en règle avec les lois sociales, pour enfin en arriver à une aide sur une tournée du "type tour de la région" , ou toute autre forme à inventer. De ce point de vue, le pôle régional est un observatoire des lieux musicaux et de leurs pratiques. Il doit permettre aux institutions de prendre conscience du réseau et de le conforter en soutenant les lieux qui le nécessitent.

La mission de L'ARCODAM / DRAC a conclu que la région devait se doter d'un pôle des musiques amplifiées qui devrait être mis en place dès 1999. Cette structure ne pouvant s'autofinancer et réalisant des actions de services publics, il appartiendra à l'Etat et aux collectivités territoriales de décider de son existence et des moyens qui lui seront alloués. Plusieurs formes pourraient être alors adoptées ; la création d'une structure de type interdépartemental (en lien avec les ADDM 22, 29, 35, 56), le rattachement à l'ARCODAM (double tutelle Conseil Régional / DRAC) , le rattachement à une autre structure d'envergure régionale ou la création d'une structure indépendante mais avec signature de contrats d'objectifs et de financement avec l'Etat et les collectivités territoriales.

L'ARCoDAM et la DRAC ont mis en place une commission "Musiques d'aujourd'hui" regroupant les adhérants ainsi que des intervenants du milieu de la musique. L'ARCoDAM met en place des actions et des stages ponctuels. Chaque année, une commission permet d'apporter de petites aides à la réalisation de CD et un fond de soutien à la création pour les artistes bretons a été mis en place en 1995. L'association héberge également un chargé de mission "DRAC / Conseil Général" pour le plan de formation des professeurs de musique. La formation dans le domaine des musiques d'aujourd'hui ne fait pas partie de ses objectifs prioritaires. Néanmoins depuis 1995, un membre consultatif "musiques d'aujourd'hui" a été nommé au sein du Comité Technique et Pédagogique chargé de ce plan de formation.

 

Tableau 12 : Les subventions régionales attribuées aux festivals de rock.


FESTIVALS SUBVENTIONNÉS

1997

1998

par le Conseil Régional de Bretagne

valeur

% M.A

valeur

% M.A

Transmusicales

137 000

57,2%

150 000

28,5%

Vieilles Charrues

40 000

17,6%

50 000

9,5%

Art Rock

reporté

-

100 000

19,0%

Jeudis du port

0

-

90 000

17,1%

La Route du Rock

10 000

4,4%

50 000

9,5%

Carnavalorock

10 000

4,4%

n'existe plus

-

Le Pont du Rock

10 000

4,4%

10 000

1,9%

La Nuit Barock

10 000

4,4%

10 000

1,9%

Pénich'Tro

10 000

4,4%

50 000

9,5%

Les Nuits Celtes

0

0%

15 000

2,8%

Sous-total festivals Musiques Actuelles

227 000

3,7%

525 000

6,5%

Total Subventions de la Région

6 MF

 

8 MF

 

Source : Recueils des actes administratifs 1997 et 1998 du Conseil Régional de Bretagne.

B - Les départements.

En plus des subventions versées aux associations productrices de concerts, la plupart des Conseils Généraux des départements ont mis en place des associations chargées de distribuer des aides à la diffusion. Souvent appelées ADDA ou ADDM, elles sont souvent dépendantes des orientations politiques des départements. Néanmoins, on peut dire que "les Conseils Généraux sont les plus présents sur le terrain de la diffusion de la musique amplifiée alors qu'ils n'ont aucune obligation en la matière"
11.

L'action de l'ADDM d'Ille et Vilaine est intéressante par la mise en place d'une commission Rock qui a organisé les premières rencontres départementales du rock en octobre 1994 à Saint-Malo. Cette commission a étudié dans un premier temps les lieux de pratiques musicales et les demandes de musiciens. Ensuite elle a organisé des rencontres départementales du rock et enfin elle a fait visiter les différents lieux de répétition du département aux élus. Malgré les efforts de cette commission, la musique amplifiée ne bénéficie pas de budget conséquent à la demande. Certes l'ADDM 35 a un budget très restreint
12 comme l'ensemble des associations culturelles qui travaillent dans le domaine musical notamment celui des musiques actuelles et amplifiées.

Cependant, l'ADDM 35 a relancé une nouvelle commission Musiques Actuelles en 1998 et envisage de financer un poste emploi-jeune au sein du Collectif, association rennaise de gestion de locaux de répétition. Le collectif va lancer un recensement de l'offre et de la demande en matière de locaux de répétition en Ille-et-Vilaine.

Au niveau des subventions aux manifestations culturelles, le tableau 13 démontre que les festivals de musiques actuelles ne reçoivent pas d'importantes subventions malgré la dynamique qu'ils peuvent créer. Néanmoins, on observe que la tendance est à la croissance car les subventions de ces festivals représentent en 1998 18,9% du total des subventions aux festivals du Conseil Général contre 13,7% en 1997. Si on se limite aux subventions aux manifestations de musique et de danse, les festivals de musiques actuelles et amplifiées regroupent 75% des subventions en 1998 contre 55% en 1997. Le nombre des festivals subventionnés est également en progression puisqu'il passe de deux en 1997 (Transmusicales et La Route du Rock) à six en 1998.

 



Tableau 13 : Evolution des subventions allouées aux festivals de musique actuelles par le Conseil Général d'Ille et Vilaine.


FESTIVALS SUBVENTIONNÉS

1997

1998

par le Conseil Général d'Ille et Vilaine

en Francs

en %

en Francs

en %

Total subventions festivals musique et danse
dont

235 000

24,8 %

250 000

25,0 %

Transmusicales (Rennes)

100 000

10,5 %

120 000

12,0 %

La Route du Rock (Saint-Malo)

30 000

3,1 %

50 000

5,0 %

Bourg en Zique (Langon - Sud 35)

-

-

5 000

0,5 %

Bourg en Celtie (Bourg des Comptes - Sud 35)

-

-

5 000

0,5 %

Rock'n'solex (INSA de RENNES)

-

-

5 000

0,5 %

Rock Bain Son (Bain de Bretagne - Sud 35)

-

-

4 000

0,4 %

Sous total subventions


aux festivals de musiques actuelles

130 000

13,7%

189 000

18,9 %

TOTAL des subventions des festivals encouragés par le Conseil Général

944 000

100,0%

1 M

100,0 %

Source : Mission du Développement Culturel du Conseil Général d'Ille et Vilaine.


C - Les autres collectivités

On peut signaler par exemple l'initiative intercommunale du District de Rennes qui a mis en place une enquête sur les pratiques autour des musiques actuelles des jeunes dans les 32 communes du District en mars 1995 afin de mieux cerner l'importance de cette activité musicale pour éventuellement mieux y répondre. Cette enquête a été élaborée en collaboration avec des représentants du CIJB et d'ATM, tous les deux acteurs intéressés par une meilleure connaissance du sujet traité. 28 communes ont répondu au questionnaire et 19 font état d'activités de jeunes constitués en groupe autour des musiques actuelles.

On peut également noter que l'Association des cinq Grandes Villes de l'Ouest (Angers, Brest, Le Mans, Nantes et Rennes) est à l'initiative des Deuxièmes Rencontres Nationales  Politique Publiques et musiques amplifiées » de Nantes en collaboration avec la Fédurock et le GEMA. Ces rencontres reçoivent également le soutien du ministère de la Culture et de la Communication, de FNCC, de l'Observatoire des Politiques Culturelles, de l'Olympique (club-concert de Nantes) et de Trempolino (Association intercommunale de promotion du rock avec les communes de Nantes, Rezé, Saint-Sébastien et autre villes ponctuelles). En conclusion, on peut se demander jusqu'où les collectivités publiques peuvent aller dans le financement d'aide à l'accès à des activités et à un marché qui sont rentables voire fortement rémunérateurs pour quelques artistes et les éventuelles grandes maisons de disques qui se profilent derrière.


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1

RIOCHE.A, GUINARD.B, VIOUX.Y,  Rock et diffusion, Analyse des dispositifs d'aide à la diffusion des musiques amplifiées. » Mémoire de DESS Développement culturel, Université de Rouen, Avril 1997, p.1.

2

CORMAN Philippe, op. cit, p.81

3

voir développement de la poiltique culturelle rock à Rennes dans le Thèse en sciences politiques de P.Teillet sur  Le discours culturel et le rock - L'expérience des limites de la politique culturelle de l'Etat ». Thèse soutenue en 1992 à la faculté des sciences juridiques de l'Université de Rennes 1.

4

APFV, OPC, op. cit, p 45.

5

Dossier sur les festivals, La Scène, Décembre 1997, N·7, p.17

6

INSCHAUSPÉ I, MENANTEAU. C,  La SACEM : un rôle indispensable mais une gestion critiquée » in Problèmes économiques, n·2574, 24 juin 1998, p 6.

7

INSCHAUSPÉ I, MENANTEAU. C,  La SACEM : un rôle indispensable mais une gestion critiquée » in Problèmes économiques, n·2574, 24 juin 1998, p 7.

8

Les oeuvres tombent dans le domaine public 70 ans après le décès de l'auteur et du compositeur.

9

WALLACH, J.C, Document de travail du GEMA, 19 janvier 1998.

10

Aide, au maximum de 80 000 F accordé à trois groupe par ans, s'articule autour du projet artistique (formation, locaux de répétitions, enregistrement) d'une part et à laide au management (formation des managers, tournée, à la promotion) d'autre part.

11

RIOCHE.A, GUINARD.B, VIOUX.Y, op. cit, p.22.

12

L'ADDM 35 avait un budget de fonctionnement d'un peu plus de 1 MF en 1997 soit 13,3% des subventions du Conseil Général allouées aux associations culturelles.