DEUXIÈME PARTIE : DU LIEU AU PRODUCTEUR DE LA DIFFUSION MUSICALE AMPLIFIÉE EN BRETAGNE.






CHAPITRE 3 : LES LIEUX DE DIFFUSION MUSICALE



INTRODUCTION DE CHAPITRE 3


Le lieu de diffusion est le pont qui permet la rencontre entre l'oeuvre jouée par le musicien et le public. Mais un tel équipement doit être l'outil d'un projet. Préalablement à la construction ou à l'aménagement d'un équipement, il faut définir un projet cohérent et réaliste à partir de quelques questions élémentaires : quels objectifs l'équipement doit-il remplir et par quelles missions précises ces objectifs se traduisent-ils? Quel mode de gestion envisage-t-on? Quels sont les moyens nécessaires pour son fonctionnement? Quel coût de fonctionnement peut-on assumer? Pour quels publics réalise-t-on cet équipement? Comment s'inscrit cet équipement sur son territoire? Sur le bassin de vie? Quels sont les équipements comparables existants? Quels sont les réseaux existants? Souhaite-t-on un équipement de proximité ou un équipement rayonnant? Nous tenteront de trouver des éléments de réponse en analysant les lieux de diffusion de musiques actuelles en Bretagne qui est une région ou ces équipements sont très présents dans le paysage culturel.

 

3.1 - UNE GRANDE VARIÉTÉ DE LIEUX DE DIFFUSION : ESSAI DE TYPOLOGIE.



3.1.1 - LES STRUCTURES QUI FONCTIONNENT À L'ANNÉE.


Le rapport de l'observatoire économique de la musique montre qu'en France les spectacles qui se produisent dans des salles de plus de 1500 places concentrent trois quarts des taxes, les salles de 700 à 1500 places représentent 12,75%, les festivals : 1,93%, les salles de 400 à 700 places : 1,73% et les salles de moins de 400 places : 1,42%. La Bretagne est assez spécifique puisqu'elle regroupe près de 10% du nombre de salle de moins de 400 places en France pour une population qui représente un peu moins de 5% de la population française totale (
carte 6 - 82k et carte 7 - 76k). Les salles de concert de plus de 1200 places en Bretagne représentent 10% des salles françaises alors que les salles intermédiaires de 400 à 1200 places ne représentent que 5%. La région est donc très bien dotée en très petites et très grandes salles, les premières relevant souvent du droit privé alors que les secondes sont souvent gérées par des collectivités. On peut enfin noter qu'il existe beaucoup d'entreprises spécialisées dans la sonorisation en Bretagne (carte 8 - 66k). Derrière ces statistiques se cachent une grande variété de lieux et une très grande richesse culturelle.



A - Petites structures privées.

La situation des petits lieux musicaux en Bretagne est des plus précaire. Les cafés-concerts étaient très nombreux par le passé. La professionnalisation des musiciens et des organisateurs de concerts, la concurrence de bars qui ne respectent pas les lois et les règlements en vigueur, la non-reconnaissance du statut de lieu culturel, l'isolement et la difficulté à répondre seuls aux problèmes d'alcoolémie et de nuisances sonores asphyxient ce secteur d'activité primordial, en particulier en terme d'aménagement du territoire et de découverte de nouveaux talents. Une coordination des lieux musicaux existait en Bretagne mais compte tenu des besoins et des faibles moyens mis a sa disposition, celle-ci ne se réunit plus depuis 1993.

MILIEU URBAIN, PERIURBAIN ET LITTORAL :

- Le "Café-Musique" UBU club de Rennes (35)
La réputation de l'UBU club n'est plus à faire même si les problèmes de trésoreie rencontrées depuis 1995 ont un peu diminué la qualité de la programmation. Néanmoins, l'UBU reste un lieu très apprécié des amateurs de musique rennais et son utilisation pendant les Transmusicales contribue toujours autant au mythe.

Cette salle, ancienne annexe du TNB, peut recevoir jusqu'à 500 personnes. Elle n'est ouverte que les jours de concert et reste fermé à la fin de l'année universitaire de juin à octobre. La gestion de la salle revient à la SARL Trans Action qui la loue également à des associations locales pour organiser des concerts qui apparaissent sur le programme de la salle. L'UBU programme en moyenne 8 concerts par mois (un concert peut comprendre deux, voire trois groupes par soir) sauf pendant les Transmusicales (plus de 20 groupes en quatre jours). Cette salle est l'unique en Bretagne à faire partie de la Fédurock (Fédération des salles et clubs rock). La Carte de membre UBU donne aux adhérents des réductions sur tous les concerts de l'UBU mais également dans deux autres clubs de grandes villes de l'ouest de la Fédurock, l'Olympic à Nantes (100km) et le Chabada à Angers (140 km).


- Les Tontons Flingueurs à Rennes (35)
Ce petit café-concert, environs 200 places, est ouvert toute l'année mais sa programmation se concentre surtout pendant la période universitaire. De nombreuses associations rennaises (Kerozène, Space Patrol, Fuzzbox, Battlefield) programment des concerts dans des styles différents avec une régularité d'un par semaine. La richesse innovante de la programmation du Tonton Flingueur en fait un café-concert très intéressant et incontournable pour la ville de Rennes mais aussi pour la région. Néanmoins, sa localisation au milieu d'une zone d'aménagement concerté en plein centre-ville entraînera sa fermeture avant l'an 2000. La Fun House, un autre local de diffusion rennais dans la même situation en 1996 a été transféré dans des locaux mis à disposition par la ville de Rennes dans une autre ZAC du centre-ville. Il est très important de garder ces lieux en centre-ville car le fait de les éloigner dans les périphéries contribue à leur isolement du public et des institutions. Enfin, on peut souligner que pour la plupart des concerts organisés dans ces deux lieux le prix d'entrée n'excèdent pas 50F.


- Le "Café-Musique" Run Ar Puns à Chateaulin et Les Hespérides à Plounéour-Trez (29)
Contrairement à Rennes, il n'existe pas de club-concert à Brest mais le Finistère possède de petits lieux de diffusion en zones rurales comme les Hespérides qui se trouve à 30 km de Brest sur la côte nord et le "Café-Musique" Run Ar Puns à Chateaulin entre Brest et Quimper. A la différence de l'UBU, ces deux café-concerts sont ouverts tous les jours avec une programmation de deux à quatre concerts par mois. En plus de la programmation, les Hespérides organise le festival "Les fiestas de l'été" qui a attiré plus de 6000 spectateurs en 1998.


Il n'existe pas vraiment de café-concert en milieu urbain dans les départements des Côtes d'Armor et du Morbihan. On peut retenir néanmoins l'action de quelques bars briochins et lorientais qui. organisent quelques concerts plus ou moins régulièrement. Sur la côte, on note également la présence de quelques lieux de diffusion comme le Méphisto à Trébeurden (22), l'ArVag à Plougrescant (22) ou le Café de la Barre de Plouhinec (56) qui organise au moins deux concerts par mois. Il faut noter que le Café de la Barre fait partie de l'opération "Café-Musiques" soutenue par le Ministère de la Culture et la DRAC au même titre que l'UBU de Rennes (35), le Run Ar Puns de Chateaulin (29) et Le Cargo de Nuit de Pluzunet (22). Il faut noter que tous les bars qui organisent des concerts ne les déclarent pas forcément à cause des difficultés financières et des règlementations spécifiques de l'organisation dans les débits de boisson.


MILIEU RURAL DU CENTRE BRETAGNE :

Les trois cas présentés ci-dessous ont été retenus car ils caractérisent trois types originaux de lieux de diffusion de musiques actuelles et amplifiées en milieu rural breton.


- Petit Village de Lanfains (Côtes d'Armor):
Le propriétaire du cabaret "Le Petit Village" est également agriculteur en activité principale. Créé en 1983 dans une ancienne étable, son cabaret diffuse trois concerts par mois avec une entrée moyenne de 30F, ce qui reste très abordable. En outre, chaque été il organise le festival "La Nuit Celte" qui attire près de 5 000 personnes. Le propriétaire pense que son cabaret à la campagne joue un rôle social non négligeable. Cependant, il ne reçoit que très peu de subventions publiques et déclare "qu'il n y a pas de raison que la culture soit réservée aux grandes villes". Il pense même transformer un poulailler en une salle pour les grands concerts.

La réussite du Petit Village a fait des émules à proximité où on peut noter le cas du café Le Cellier de Boquého à proximité de Quintin où le propriétaire, un ancien professeur, organise une trentaine de concerts par an, accueille des expositions et permet l'échange d'idées entre les clients.


- La Ferme de Gwernaudour à Braspart (Finistère) :
Le cas de la Ferme de Gwernaudour est assez similaire à celui du Petit Village sauf que l'étable qui fait office de salle de concert entre mai et septembre sert également d'étable l'hiver et qu'il n'existe pas de café avec une licence IV. Le propriétaire, fils d'exploitant agricole a repris la ferme après ses études à Brest. Comme beaucoup de jeunes, il a voulu dynamiser son Pays, en l'occurrence les Monts d'Arrée, en créant un lieu de diffusion musical original qui attire un public de plus en plus nombreux.

La salle permet d'accueillir jusqu'à 2500 personnes avec une possibilité de camping sur les collines qui entoure la ferme. Enfin, la programmation et la gestion est assurée par l'Association Rock d'Arrée Fréquent qui organise également tous les ans le festival "Aux Portes de l'Enfer" avec des groupes de renommées régionales (Denez Prigent, Kemener), nationales (Stivell, Miossec), voire internationales (Jimmy Cliff, New Model Army, Levellers) en partenariat avec le Parc Naturel Régional d'Armorique, la Communauté de Communes du Yeun Elez et le Conseil Général du Finistère.


- Le Bacardi de Callac (22) :
Cette salle d'une capacité de 1000 places a pour originalité d'être également une discothèque qui permet de réaliser 95% des recettes et de financer une programmation de deux concerts par mois entre octobre et juin. Son propriétaire passionné de musique a suivi des études de psychologie qui l'amène également à travailler au CAT de Briec. En outre, sa passion du football l'a conduit à devenir entraîneur d'une équipe locale. On se rend compte que ces petits lieux musicaux en milieu rural sont souvent l'aboutissement de personnages atypiques qui font vivre le monde associatif .

Gildas Blanchard, propriétaire du Bacardi déclare que la discothèque - salle de concert "est un réel projet commercial et culturel. Si on doit changer la vie, ce n'est pas avec le bulletin de vote, mais par notre manière d'être". Son expérience lui permit d'être missioné par le Ministère de la Culture pour une étude sur les lieux de concerts et de musiques nouvelles. Il a également travaillé pour le Conseil Général du Finistère et le GALCOB.




B - Structures publiques.

Le grand problème actuel des équipements culturels publics est de trouver le mode de gestion le plus approprié à la spécificité de la diffusion de spectacle vivant et notamment le spectacle musical amplifié. Le guide pratique de l'action culturelle des petites villes montre que si la régie directe a des avantages indéniables (sécurité et stabilité de la gestion), elle présente néanmoins des rigidités dans la gestion financière (réaffectation des recettes propres, difficultés pour associer à la gestion des partenaires financiers ...), mais aussi dans la gestion du projet artistique et culturel et le degré d'autonomie à accorder au professionnel.

D'après des enquêtes, il semble qu'il n'existe pas une solution juridique unique adaptée à tous les cas, mais différentes solutions entre lesquelles le choix dépend du projet local, de la taille et de la nature de l'équipement (petites MJC, grande salle de concert...), des modes de financement (importance des partenariats, part de recettes propres : billetterie, merchandising...), des objectifs que l'on assigne à l'équipement pour les années à venir.

La régie directe permet à la collectivité de gérer directement l'activité avec un personnel et des budgets municipaux. Elle permet un contrôle étroit mais ne permet pas toujours une gestion efficace des recettes et n'est pas adaptée pour certains projets culturels. Cependant bien souvent, les acteurs locaux ne savent pas utiliser toutes les possibilités de la régie directe et les souplesses qu'elle autorise. Celles-ci dépendent d'abord de l'implication du secrétaire général et de la volonté des élus.

Le statut de droit privé peut-être celui de la concession, ou beaucoup plus fréquemment celui de l'association loi 1901. Cette dernière solution est souvent privilégiée pour les souplesses qu'elle permet mais peut se heurter à trois types de difficultés. D'abord, la gestion de fait lorsque l'élu local est à la fois le président de l'association et le représentant du principal bailleur de fonds. Ensuite, la déresponsabilisation des financeurs publics lorsqu'ils sont plusieurs à intervenir. Enfin une certaine fragilité de l'activité qui peut apparaître comme ne relevant pas du service public. Il est important de bien définir le contrat d'objectifs avec l'association. La plupart du temps, un conventionnement de qualité suffit à éviter à l'association les dérives évoquées.

La plupart des grandes municipalités bretonnes possèdent un centre culturel, une MJC ou une salle permettant la diffusion musicale actuelle amplifiée. Faire un inventaire serait fastidieux et non révélateur. Néanmoins, on peut noter que des villes comme Saint-Malo, Vannes ou Lorient n'ont pas vraiment de salles appropriées. Le cas de Saint-Malo est assez intéressant puisque pour une population de 50 000 habitants, il n'existe qu'une petite salle de 500 places en sous-sol du Centre d'animation Salvador Allende complètement inadapté à un concert de musiques actuelles. En outre, il n'existe pratiquement pas de lieux privés qui diffuse des concerts de musiques actuelles et amplifiées. La municipalité malouine a néanmoins pris conscience de ce vide et a lancé un projet de création d'équipement voué aux musiques actuelles avec des locaux de répétitions et une salle de concert de 600 places.

A la rentrée de septembre 1998, la MJC Cleunay de Rennes et la MJC Point du Jour vont donner un nom à de leur espace consacré aux musiques actuelles. Le MJC rennaise va dorénavent appeler son pôle musical "L'Antipode". En plus de la salle de concert (en moyenne trente concerts par saison dans une salle de 500 places) et des deux locaux de répétitions qu'elle gérait déjà, cette structure devient un véritable encadrement des musiciens. Thierry Ménager, directeur de l'Antipode, déclare : "nous développons ici un projet complet, un travail de fond, au quotidien. Nous ne sommes pas seulement un lieu de spectacles, mais notre rôle est également d'inciter à la pratique amateur, d'informer les jeunes musiciens et éventuellement de les accompagner vers une semi-professionnalisation"
1.Il faut également noter que L'Antipode réservepriotairement les premières parties aux artistes d'Ille et Vilaine.

Quant à la MJC briochine, elle va devenir également un véritable pôle de développement des musiques actuelles pour le département. En effet, sous son nouveau nom "La Citrouille", cette structure soutenue par la ville de Saint-Brieuc et le Conseil Général des Côtes d'Armor va permettre à des artistes de répéter, enregistrer et se produire sur scène. Cette structure accueillera au moins un concert par mois. Il faut d'ailleur noter qu'elle a intégré le résau national Orques Idées (voir 4.1.2b). La Citrouille et L'Antipode vont également devenir des structures de résidence et de pré-production pour les groupes ainsi qu'un relai info rock. Elle propose en outre des colloques sur le développement culturel, musical et social.

On peut noter que L'Antipode et La Citrouille sont gérées par des associations. Ces deux exemples sont encourageant car ils démontrent que le milieu associatif se donne réllement les moyens de la structuration des musiques actuelles nécessaires a leur développement et leur professionalisation sans oublier la pratique amateur.


Enfin, si on observe la répartition spatiale des lieux de diffusion régulière (petites et grandes structures publiques et privées dans la
carte 9 - 117k), on constate qu'une grande partie d'entre eux est concentrée sur Rennes grâce notamment à la très forte densité de bars-concert et l'ensemble des salles de concerts. Les autres lieux de diffusion de la Région sont répartis de façon assez éparse sur le territoire avec cependant un secteur assez vide dans le centre-est Bretagne. Plus à l'ouest, on retrouve une couverture assez égale en milieu rural et urbain. Il existe une petite concentration sur le district de Lorient .



3.1.3 - LES FESTIVALS



A - Caractéristiques des festivals.

On a de plus en plus tendance à confondre le festival et la fête ou l'événement qui anime la commune pendant l'été. Dans ces moments festifs, la dimension culturelle, surtout patrimoniale, est souvent présente et ce sont des moments privilégiés de réconciliation des publics de la commune autour de formes de culture populaire. Ce sont des objectifs de convivialité, de sentiment d'appartenance, d'animation de la vie locale qui président à l'organisation de ces fêtes.

Dans le cas du festival, la dimension festive et conviviale est bien entendu présente, mais elle n'est pas première. Il s'agit d'abord d'un événement artistique dont la qualité et l'originalité de la programmation seront les facteurs premiers de la notoriété.
2"Plus qu'une simple compilation d'artistes en tournée, un festival, c'est d'abord un concept bien particulier, qu'il soit prédéfini ou déterminé avec le temps ; c'est ensuite une rencontre privilégiée, festive et conviviale avec un public massif ; c'est encore une plate-forme métissée d'artiste révélés ou méconnus ; c'est souvent le point de rencontre des professionnels, programmateurs venus en repérage ou intermittents assurant quelques cachets ; c'est forcément la grand-messe des bénévoles, aussi militants qu'indispensables ; c'est parfois le rendez-vous capable de dynamiser un territoire en stimulant les pratiques amateurs ou les initiatives sociales".

La notoriété d'un festival ne peut se bâtir que dans le temps. Il faut plusieurs années pour qu'un festival se rode et s'installe dans les habitudes des publics comme dans les réseaux artistiques. Pour illustrer cette évolution durable dans le temps, on peut citer l'évolution constante de la fréquentation du festival de La Route du Rock de Saint-Malo (35) qui est passé de 500 spectateurs en 1991 à plus de 20 000 en 1998 avec une reconnaissance nationale comme son festival aîné des Transmusicales né en 1978 qui est devenu la référence française en matière de festival de découvertes des musiques actuelles.

Cependant le cas de la Bretagne reste assez inhabituel dans le paysage des festivals français. En effet, le nombre de festival bretons de musique actuelle et/ou amplifiée est relativement important (voir
carte 10 - 64k) et supérieur à la moyenne nationale. En outre, on constate un réel engouement du public pour les festivals bretons depuis 1995 qui atteignent des sommets dans leur fréquentation. On note ainsi la progression unique en France du festival des Vieilles Charrues de Carhaix (29) qui à sa création en 1992 comptait moins de 2000 entrées et ne cesse de croître pour atteindre 42000 entrées en 1997 et 85 000 en 1998. En 1997, un nouveau grand festival d'été de musiques actuelles est apparu dans le Morbihan à Saint-Nolff avec 18 000 entrées dès la première édition et 30000 à la seconde. Si on cumule toutes les festivals avec entrées payantes (hors Festival Interceltique de Lorient), on dépasse 250 000 entrées. Cette tendance de développement des grands festivals s'accompagne également de la multiplication d'autres festivals plus modestes qui suivent la même évolution que les grands (voir l'ensemble des festivals recensé entre 1997 et 1998 dans la carte 11 - 130k).

Les grands festivals bretons ont une image conviviale et les festivaliers considèrent comme aux Eurockéennes de Belfort
3 que le festival constitue une expérience originale qui met en exergue les liens entre pratique culturelle et sociabilité : le festival regroupe essentiellement des jeunes dans un espace-temps clos, en rupture avec la vie quotidienne et le monde extérieur. Parce qu'ils ont une grande taille et qu'ils sont bien équipés ce qui permet une vie indépendante du monde extérieur, les festivals permettent l'émergence d'une sociabilité particulière amplifiée par le caractère éphémère des relations4. La notion de territoire est d'autant plus forte que l'espace du site est parfaitement délimité avec des règlements qui lui sont propres. Le festival devient alors un événement à part entière créateur d'une micro-société pendant quelques jours.

Pour André Chassaigne, maire d'une commune du massif central et conseiller régional, le festival doit être aussi un simulateur d'activité. Il déclare : " je ne suis pas foncièrement contre les festivals.(...) Mais j'estime qu'il est dommage que certaines collectivités limitent leur diffusion culturelle aux festivals, rendez-vous certes forts mais qui mobilisent les budgets. Il ne faut pas que les festivals constituent des formes d'alibi si une population vit dans un désert culturel pendant la plus grande partie de l'année! C'est pourquoi nous avons choisi de maintenir, en les plafonnant, les aides que nous accordons aux festivals locaux, et de redéployer les budgets en faveur d'une pratique et d'une diffusion régulière, notamment pour favoriser l'accès au spectacle vivant. Il est clair que la demande culturelle se développe en milieu rural. Mais c'est l'offre qui crée la demande. En clair, si l'on propose des spectacles de qualité, la population prend des habitudes. On ne peut pas dire qu'il existe une demande spécifique en faveur de la mise en place d'un festival."
5




B - Les capacités d'accueil des festivals en Bretagne.

- Utilisation de structures de spectacles préexistantes
Beaucoup d'organisateurs de festivals ou de concerts ponctuels louent des salles des fêtes, salles de spectacles, hall d'exposition, voir des étables pour certains (Festival des Portes de l'Enfer à Braspart, voir 3.1.1a). Certains festivals utilisent plusieurs structures à la fois comme les Transmusicales (Salle Le Liberté de 6000 places, La Cité de 1300 places, l'Ubu de 400 places et Saint-Jacques Expo de 15 000 places), le festival Interceltique, ou Art Rock (Salle de Robien de 2500 places, les Théâtres de 350 et 1000 places, l'espace Bleu pluriel de 650 places).

Les festivals de moindre envergure utilisent le plus souvent des salles multifonctions que l'on retrouve maintenant dans la plupart de communes. C'est le cas de Totem dans la Nuit à Ménéac (56), Polyrock à Lesneven (29) ou d'Insolent à Quimper (29). D'autres organisateurs ajoutent une programmation libre dans les bars en plus du spectacle en salle comme au festival Barock à Dinan (22), Ils Maurons pas (56) ou les Bars en Trans en marge des Transmusicales de Rennes.


- Création ex-nihilo de structures.
Souvent, les organisateurs de festivals se trouvent confrontés à un manque de structure capable d'accueillir des manifestations de moyenne ou grande envergure. Afin de résoudre ce problème, les festivals se développent dans des espaces vides (places, champs, quais, etc...) et font surgir de nulle part une structure avec scènes, loges, toilettes et restauration. Les quelques exemples ci-dessous montrent la variété de taille de ces structures qui sont néanmoins très dépendantes de la météorologie ce qui explique en partie leur existence essentiellement estivale.

- Les Vieilles Charrues : Place du centre-ville puis création d'une plate-forme événementielle de 27 000 m2 pouvant accueillir jusqu'à 50 000 personnes extensible à 100 000 personnes en forme d'amphithéâtre naturel. Camping d'une capacité de 10 000 personnes.

- La Route du Rock : Le Fort Vauban du XVIIIème de 7000 m2 peut accueillir 12 000 personnes). Camping d'une capacité de 5 000 personnes.

- Festival de Saint-Nolff : Vaste clairière de 23 000 m2 en pente qui peut accueillir jusqu'à 45 000 personnes). Camping d'une capacité de 8 000 personnes.

- Le Pont du Rock : Terrain des sports à proximité de la ville pouvant accueillir 8000 personnes avec un camping à proximité.

- Festival des Tertres : Le tertre et ancien terrain des sports au dessus du village peut accueillir 2000 personnes avec possibilité de camping.

- Festival des Fiestas de l'été : L'utilisation d'un terrain à proximité de la plage dans les dunes peut accueillir 5000 personnes avec camping à proximité.

- Supersonic Day 98 : L'amphithéâtre naturel face à la mer et au fort peut accueillir 4000 personnes. Un camping municipal est à proximité.

- Les Jeudis du Port : L'utilisation des quais du port de commerce de Brest peut accueillir jusqu'à 50 000 personnes. L'hébergement peut se faire dans les hôtels de la ville ou dans les campings de la périphérie brestoise.

- Le Pénich' tro : La taille varie en fonction des sites d'amarrage à Dinan, Evran, Rennes et Langon.



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1

Propos recueillis dans "Le Rennais", septembre 98, n·291.

2

voir l'enquête menée par WANICH Stéphane, WATHIER Virginie,  Les eurockéennes : un monde à part » in  Les jeunes et engagement collectif », actes du colloque interntionales de Belfort de 1995, publication du Conseil Général du Territoire de Belfort, 1996, 275 pages.

3
4

voir entretien avec un festivalier de La Route du Rock 97 dans l'annexe 2.

5

Dossier sur les festivals, La Scène, Décembre 1997, N·7, p.19