DEUXIÈME PARTIE : DU LIEU AU PRODUCTEUR DE LA DIFFUSION MUSICALE AMPLIFIÉE EN BRETAGNE.
CHAPITRE 3 : LES LIEUX DE DIFFUSION MUSICALE
INTRODUCTION DE CHAPITRE 3
Le lieu de diffusion est le pont qui permet la rencontre entre
l'oeuvre jouée par le musicien et le public. Mais un tel
équipement doit être l'outil d'un projet. Préalablement à la
construction ou à l'aménagement d'un équipement, il faut
définir un projet cohérent et réaliste à partir de quelques
questions élémentaires : quels objectifs l'équipement doit-il
remplir et par quelles missions précises ces objectifs se
traduisent-ils? Quel mode de gestion envisage-t-on? Quels sont
les moyens nécessaires pour son fonctionnement? Quel coût de
fonctionnement peut-on assumer? Pour quels publics réalise-t-on
cet équipement? Comment s'inscrit cet équipement sur son
territoire? Sur le bassin de vie? Quels sont les équipements
comparables existants? Quels sont les réseaux existants?
Souhaite-t-on un équipement de proximité ou un équipement
rayonnant? Nous tenteront de trouver des éléments de réponse
en analysant les lieux de diffusion de musiques actuelles en
Bretagne qui est une région ou ces équipements sont très
présents dans le paysage culturel.
3.1 - UNE GRANDE VARIÉTÉ DE LIEUX DE DIFFUSION : ESSAI DE TYPOLOGIE.
3.1.1 - LES STRUCTURES QUI FONCTIONNENT À L'ANNÉE.
Le rapport de l'observatoire économique de la musique montre qu'en France les
spectacles qui se produisent dans des salles de plus de 1500 places concentrent
trois quarts des taxes, les salles de 700 à 1500 places représentent 12,75%,
les festivals : 1,93%, les salles de 400 à 700 places : 1,73% et les salles
de moins de 400 places : 1,42%. La Bretagne est assez spécifique puisqu'elle
regroupe près de 10% du nombre de salle de moins de 400 places en France pour
une population qui représente un peu moins de 5% de la population française
totale (carte 6 - 82k et carte 7 - 76k). Les salles de
concert de plus de 1200 places en Bretagne représentent 10% des salles françaises
alors que les salles intermédiaires de 400 à 1200 places ne représentent que
5%. La région est donc très bien dotée en très petites et très grandes salles,
les premières relevant souvent du droit privé alors que les secondes sont souvent
gérées par des collectivités. On peut enfin noter qu'il existe beaucoup d'entreprises
spécialisées dans la sonorisation en Bretagne (carte 8 - 66k). Derrière ces statistiques se cachent une grande variété
de lieux et une très grande richesse culturelle.
A -
Petites structures privées.
La situation des petits lieux musicaux en Bretagne est des plus
précaire. Les cafés-concerts étaient très nombreux par le
passé. La professionnalisation des musiciens et des
organisateurs de concerts, la concurrence de bars qui ne
respectent pas les lois et les règlements en vigueur, la
non-reconnaissance du statut de lieu culturel, l'isolement et la
difficulté à répondre seuls aux problèmes d'alcoolémie et de
nuisances sonores asphyxient ce secteur d'activité primordial,
en particulier en terme d'aménagement du territoire et de
découverte de nouveaux talents. Une coordination des lieux
musicaux existait en Bretagne mais compte tenu des besoins et des
faibles moyens mis a sa disposition, celle-ci ne se réunit plus
depuis 1993.
MILIEU URBAIN, PERIURBAIN ET LITTORAL :
- Le "Café-Musique" UBU club de Rennes (35)
La réputation de l'UBU club n'est plus à faire même si les
problèmes de trésoreie rencontrées depuis 1995 ont un peu
diminué la qualité de la programmation. Néanmoins, l'UBU reste
un lieu très apprécié des amateurs de musique rennais et son
utilisation pendant les Transmusicales contribue toujours autant
au mythe.
Cette salle, ancienne annexe du TNB, peut recevoir jusqu'à 500
personnes. Elle n'est ouverte que les jours de concert et reste
fermé à la fin de l'année universitaire de juin à octobre. La
gestion de la salle revient à la SARL Trans Action qui la loue
également à des associations locales pour organiser des
concerts qui apparaissent sur le programme de la salle. L'UBU
programme en moyenne 8 concerts par mois (un concert peut
comprendre deux, voire trois groupes par soir) sauf pendant les
Transmusicales (plus de 20 groupes en quatre jours). Cette salle
est l'unique en Bretagne à faire partie de la Fédurock
(Fédération des salles et clubs rock). La Carte de membre UBU
donne aux adhérents des réductions sur tous les concerts de
l'UBU mais également dans deux autres clubs de grandes villes de
l'ouest de la Fédurock, l'Olympic à Nantes (100km) et le
Chabada à Angers (140 km).
- Les Tontons Flingueurs à Rennes (35)
Ce petit café-concert, environs 200 places, est ouvert toute
l'année mais sa programmation se concentre surtout pendant la
période universitaire. De nombreuses associations rennaises
(Kerozène, Space Patrol, Fuzzbox, Battlefield) programment des
concerts dans des styles différents avec une régularité d'un
par semaine. La richesse innovante de la programmation du Tonton
Flingueur en fait un café-concert très intéressant et
incontournable pour la ville de Rennes mais aussi pour la
région. Néanmoins, sa localisation au milieu d'une zone
d'aménagement concerté en plein centre-ville entraînera sa
fermeture avant l'an 2000. La Fun House, un autre local de
diffusion rennais dans la même situation en 1996 a été
transféré dans des locaux mis à disposition par la ville de
Rennes dans une autre ZAC du centre-ville. Il est très important
de garder ces lieux en centre-ville car le fait de les éloigner
dans les périphéries contribue à leur isolement du public et
des institutions. Enfin, on peut souligner que pour la plupart
des concerts organisés dans ces deux lieux le prix d'entrée
n'excèdent pas 50F.
- Le "Café-Musique" Run Ar Puns à Chateaulin et Les
Hespérides à Plounéour-Trez (29)
Contrairement à Rennes, il n'existe pas de club-concert à Brest
mais le Finistère possède de petits lieux de diffusion en zones
rurales comme les Hespérides qui se trouve à 30 km de Brest sur
la côte nord et le "Café-Musique" Run Ar Puns à
Chateaulin entre Brest et Quimper. A la différence de l'UBU, ces
deux café-concerts sont ouverts tous les jours avec une
programmation de deux à quatre concerts par mois. En plus de la
programmation, les Hespérides organise le festival "Les
fiestas de l'été" qui a attiré plus de 6000 spectateurs
en 1998.
Il n'existe pas vraiment de café-concert en milieu urbain dans
les départements des Côtes d'Armor et du Morbihan. On peut
retenir néanmoins l'action de quelques bars briochins et
lorientais qui. organisent quelques concerts plus ou moins
régulièrement. Sur la côte, on note également la présence de
quelques lieux de diffusion comme le Méphisto à Trébeurden
(22), l'ArVag à Plougrescant (22) ou le Café de la Barre de
Plouhinec (56) qui organise au moins deux concerts par mois. Il
faut noter que le Café de la Barre fait partie de l'opération
"Café-Musiques" soutenue par le Ministère de la
Culture et la DRAC au même titre que l'UBU de Rennes (35), le
Run Ar Puns de Chateaulin (29) et Le Cargo de Nuit de Pluzunet
(22). Il faut noter que tous les bars qui organisent des concerts
ne les déclarent pas forcément à cause des difficultés
financières et des règlementations spécifiques de
l'organisation dans les débits de boisson.
MILIEU RURAL DU CENTRE BRETAGNE :
Les trois cas présentés ci-dessous ont été retenus car ils
caractérisent trois types originaux de lieux de diffusion de
musiques actuelles et amplifiées en milieu rural breton.
- Petit Village de Lanfains (Côtes d'Armor):
Le propriétaire du cabaret "Le Petit Village" est
également agriculteur en activité principale. Créé en 1983
dans une ancienne étable, son cabaret diffuse trois concerts par
mois avec une entrée moyenne de 30F, ce qui reste très
abordable. En outre, chaque été il organise le festival
"La Nuit Celte" qui attire près de 5 000 personnes. Le
propriétaire pense que son cabaret à la campagne joue un rôle
social non négligeable. Cependant, il ne reçoit que très peu
de subventions publiques et déclare "qu'il n y a pas de
raison que la culture soit réservée aux grandes villes".
Il pense même transformer un poulailler en une salle pour les
grands concerts.
La réussite du Petit Village a fait des émules à proximité
où on peut noter le cas du café Le Cellier de Boquého à
proximité de Quintin où le propriétaire, un ancien professeur,
organise une trentaine de concerts par an, accueille des
expositions et permet l'échange d'idées entre les clients.
- La Ferme de Gwernaudour à Braspart (Finistère) :
Le cas de la Ferme de Gwernaudour est assez similaire à celui du
Petit Village sauf que l'étable qui fait office de salle de
concert entre mai et septembre sert également d'étable l'hiver
et qu'il n'existe pas de café avec une licence IV. Le
propriétaire, fils d'exploitant agricole a repris la ferme
après ses études à Brest. Comme beaucoup de jeunes, il a voulu
dynamiser son Pays, en l'occurrence les Monts d'Arrée, en
créant un lieu de diffusion musical original qui attire un
public de plus en plus nombreux.
La salle permet d'accueillir jusqu'à 2500 personnes avec une
possibilité de camping sur les collines qui entoure la ferme.
Enfin, la programmation et la gestion est assurée par
l'Association Rock d'Arrée Fréquent qui organise également
tous les ans le festival "Aux Portes de l'Enfer" avec
des groupes de renommées régionales (Denez Prigent, Kemener),
nationales (Stivell, Miossec), voire internationales (Jimmy
Cliff, New Model Army, Levellers) en partenariat avec le Parc
Naturel Régional d'Armorique, la Communauté de Communes du Yeun
Elez et le Conseil Général du Finistère.
- Le Bacardi de Callac (22) :
Cette salle d'une capacité de 1000 places a pour originalité
d'être également une discothèque qui permet de réaliser 95%
des recettes et de financer une programmation de deux concerts
par mois entre octobre et juin. Son propriétaire passionné de
musique a suivi des études de psychologie qui l'amène
également à travailler au CAT de Briec. En outre, sa passion du
football l'a conduit à devenir entraîneur d'une équipe locale.
On se rend compte que ces petits lieux musicaux en milieu rural
sont souvent l'aboutissement de personnages atypiques qui font
vivre le monde associatif .
Gildas Blanchard, propriétaire du Bacardi déclare que la
discothèque - salle de concert "est un réel projet
commercial et culturel. Si on doit changer la vie, ce n'est pas
avec le bulletin de vote, mais par notre manière d'être".
Son expérience lui permit d'être missioné par le Ministère de
la Culture pour une étude sur les lieux de concerts et de
musiques nouvelles. Il a également travaillé pour le Conseil
Général du Finistère et le GALCOB.
B -
Structures publiques.
Le grand problème actuel des équipements culturels publics est
de trouver le mode de gestion le plus approprié à la
spécificité de la diffusion de spectacle vivant et notamment le
spectacle musical amplifié. Le guide pratique de l'action
culturelle des petites villes montre que si la régie directe a
des avantages indéniables (sécurité et stabilité de la
gestion), elle présente néanmoins des rigidités dans la
gestion financière (réaffectation des recettes propres,
difficultés pour associer à la gestion des partenaires
financiers ...), mais aussi dans la gestion du projet artistique
et culturel et le degré d'autonomie à accorder au
professionnel.
D'après des enquêtes, il semble qu'il n'existe pas une solution
juridique unique adaptée à tous les cas, mais différentes
solutions entre lesquelles le choix dépend du projet local, de
la taille et de la nature de l'équipement (petites MJC, grande
salle de concert...), des modes de financement (importance des
partenariats, part de recettes propres : billetterie,
merchandising...), des objectifs que l'on assigne à
l'équipement pour les années à venir.
La régie directe permet à la collectivité de gérer
directement l'activité avec un personnel et des budgets
municipaux. Elle permet un contrôle étroit mais ne permet pas
toujours une gestion efficace des recettes et n'est pas adaptée
pour certains projets culturels. Cependant bien souvent, les
acteurs locaux ne savent pas utiliser toutes les possibilités de
la régie directe et les souplesses qu'elle autorise. Celles-ci
dépendent d'abord de l'implication du secrétaire général et
de la volonté des élus.
Le statut de droit privé peut-être celui de la concession, ou
beaucoup plus fréquemment celui de l'association loi 1901. Cette
dernière solution est souvent privilégiée pour les souplesses
qu'elle permet mais peut se heurter à trois types de
difficultés. D'abord, la gestion de fait lorsque l'élu local
est à la fois le président de l'association et le représentant
du principal bailleur de fonds. Ensuite, la déresponsabilisation
des financeurs publics lorsqu'ils sont plusieurs à intervenir.
Enfin une certaine fragilité de l'activité qui peut apparaître
comme ne relevant pas du service public. Il est important de bien
définir le contrat d'objectifs avec l'association. La plupart du
temps, un conventionnement de qualité suffit à éviter à
l'association les dérives évoquées.
La plupart des grandes municipalités bretonnes possèdent un
centre culturel, une MJC ou une salle permettant la diffusion
musicale actuelle amplifiée. Faire un inventaire serait
fastidieux et non révélateur. Néanmoins, on peut noter que des
villes comme Saint-Malo, Vannes ou Lorient n'ont pas vraiment de
salles appropriées. Le cas de Saint-Malo est assez intéressant
puisque pour une population de 50 000 habitants, il n'existe
qu'une petite salle de 500 places en sous-sol du Centre
d'animation Salvador Allende complètement inadapté à un
concert de musiques actuelles. En outre, il n'existe pratiquement
pas de lieux privés qui diffuse des concerts de musiques
actuelles et amplifiées. La municipalité malouine a néanmoins
pris conscience de ce vide et a lancé un projet de création
d'équipement voué aux musiques actuelles avec des locaux de
répétitions et une salle de concert de 600 places.
A la rentrée de septembre 1998, la MJC Cleunay de Rennes et la
MJC Point du Jour vont donner un nom à de leur espace consacré
aux musiques actuelles. Le MJC rennaise va dorénavent appeler
son pôle musical "L'Antipode". En plus de la salle de
concert (en moyenne trente concerts par saison dans une salle de
500 places) et des deux locaux de répétitions qu'elle gérait
déjà, cette structure devient un véritable encadrement des
musiciens. Thierry Ménager, directeur de l'Antipode, déclare :
"nous développons ici un projet complet, un travail de
fond, au quotidien. Nous ne sommes pas seulement un lieu de
spectacles, mais notre rôle est également d'inciter à la
pratique amateur, d'informer les jeunes musiciens et
éventuellement de les accompagner vers une
semi-professionnalisation"1.Il faut également noter que L'Antipode
réservepriotairement les premières parties aux artistes d'Ille
et Vilaine.
Quant à la MJC briochine, elle va devenir également un
véritable pôle de développement des musiques actuelles pour le
département. En effet, sous son nouveau nom "La
Citrouille", cette structure soutenue par la ville de
Saint-Brieuc et le Conseil Général des Côtes d'Armor va
permettre à des artistes de répéter, enregistrer et se
produire sur scène. Cette structure accueillera au moins un
concert par mois. Il faut d'ailleur noter qu'elle a intégré le
résau national Orques Idées (voir 4.1.2b). La Citrouille et
L'Antipode vont également devenir des structures de résidence
et de pré-production pour les groupes ainsi qu'un relai info
rock. Elle propose en outre des colloques sur le développement
culturel, musical et social.
On peut noter que L'Antipode et La Citrouille sont gérées par
des associations. Ces deux exemples sont encourageant car ils
démontrent que le milieu associatif se donne réllement les
moyens de la structuration des musiques actuelles nécessaires a
leur développement et leur professionalisation sans oublier la
pratique amateur.
Enfin, si on observe la répartition spatiale des lieux de diffusion régulière
(petites et grandes structures publiques et privées dans la carte 9 - 117k), on constate
qu'une grande partie d'entre eux est concentrée sur Rennes grâce notamment à
la très forte densité de bars-concert et l'ensemble des salles de concerts.
Les autres lieux de diffusion de la Région sont répartis de façon assez éparse
sur le territoire avec cependant un secteur assez vide dans le centre-est Bretagne.
Plus à l'ouest, on retrouve une couverture assez égale en milieu rural et urbain.
Il existe une petite concentration sur le district de Lorient .
3.1.3 - LES FESTIVALS
A -
Caractéristiques des festivals.
On a de plus en plus tendance à confondre le festival et la
fête ou l'événement qui anime la commune pendant l'été. Dans
ces moments festifs, la dimension culturelle, surtout
patrimoniale, est souvent présente et ce sont des moments
privilégiés de réconciliation des publics de la commune autour
de formes de culture populaire. Ce sont des objectifs de
convivialité, de sentiment d'appartenance, d'animation de la vie
locale qui président à l'organisation de ces fêtes.
Dans le cas du festival, la dimension festive et conviviale est
bien entendu présente, mais elle n'est pas première. Il s'agit
d'abord d'un événement artistique dont la qualité et
l'originalité de la programmation seront les facteurs premiers
de la notoriété. 2"Plus qu'une simple compilation d'artistes
en tournée, un festival, c'est d'abord un concept bien
particulier, qu'il soit prédéfini ou déterminé avec le temps
; c'est ensuite une rencontre privilégiée, festive et
conviviale avec un public massif ; c'est encore une plate-forme
métissée d'artiste révélés ou méconnus ; c'est souvent le
point de rencontre des professionnels, programmateurs venus en
repérage ou intermittents assurant quelques cachets ; c'est
forcément la grand-messe des bénévoles, aussi militants
qu'indispensables ; c'est parfois le rendez-vous capable de
dynamiser un territoire en stimulant les pratiques amateurs ou
les initiatives sociales".
La notoriété d'un festival ne peut se bâtir que dans le temps.
Il faut plusieurs années pour qu'un festival se rode et
s'installe dans les habitudes des publics comme dans les réseaux
artistiques. Pour illustrer cette évolution durable dans le
temps, on peut citer l'évolution constante de la fréquentation
du festival de La Route du Rock de Saint-Malo (35) qui est passé
de 500 spectateurs en 1991 à plus de 20 000 en 1998 avec une
reconnaissance nationale comme son festival aîné des
Transmusicales né en 1978 qui est devenu la référence
française en matière de festival de découvertes des musiques
actuelles.
Cependant le cas de la Bretagne reste assez inhabituel dans le paysage des festivals
français. En effet, le nombre de festival bretons de musique actuelle et/ou
amplifiée est relativement important (voir carte 10 - 64k) et supérieur
à la moyenne nationale. En outre, on constate un réel engouement du public pour
les festivals bretons depuis 1995 qui atteignent des sommets dans leur fréquentation.
On note ainsi la progression unique en France du festival des Vieilles Charrues
de Carhaix (29) qui à sa création en 1992 comptait moins de 2000 entrées et
ne cesse de croître pour atteindre 42000 entrées en 1997 et 85 000 en 1998.
En 1997, un nouveau grand festival d'été de musiques actuelles est apparu dans
le Morbihan à Saint-Nolff avec 18 000 entrées dès la première édition et 30000
à la seconde. Si on cumule toutes les festivals avec entrées payantes (hors
Festival Interceltique de Lorient), on dépasse 250 000 entrées. Cette tendance
de développement des grands festivals s'accompagne également de la multiplication
d'autres festivals plus modestes qui suivent la même évolution que les grands
(voir l'ensemble des festivals recensé entre 1997 et 1998 dans la carte 11 - 130k).
Les grands festivals bretons ont une image conviviale et les
festivaliers considèrent comme aux Eurockéennes de Belfort3 que le festival
constitue une expérience originale qui met en exergue les liens
entre pratique culturelle et sociabilité : le festival regroupe
essentiellement des jeunes dans un espace-temps clos, en rupture
avec la vie quotidienne et le monde extérieur. Parce qu'ils ont
une grande taille et qu'ils sont bien équipés ce qui permet une
vie indépendante du monde extérieur, les festivals permettent
l'émergence d'une sociabilité particulière amplifiée par le
caractère éphémère des relations4. La notion de
territoire est d'autant plus forte que l'espace du site est
parfaitement délimité avec des règlements qui lui sont
propres. Le festival devient alors un événement à part
entière créateur d'une micro-société pendant quelques jours.
Pour André Chassaigne, maire d'une commune du massif central et
conseiller régional, le festival doit être aussi un simulateur
d'activité. Il déclare : " je ne suis pas foncièrement
contre les festivals.(...) Mais j'estime qu'il est dommage que
certaines collectivités limitent leur diffusion culturelle aux
festivals, rendez-vous certes forts mais qui mobilisent les
budgets. Il ne faut pas que les festivals constituent des formes
d'alibi si une population vit dans un désert culturel pendant la
plus grande partie de l'année! C'est pourquoi nous avons choisi
de maintenir, en les plafonnant, les aides que nous accordons aux
festivals locaux, et de redéployer les budgets en faveur d'une
pratique et d'une diffusion régulière, notamment pour favoriser
l'accès au spectacle vivant. Il est clair que la demande
culturelle se développe en milieu rural. Mais c'est l'offre qui
crée la demande. En clair, si l'on propose des spectacles de
qualité, la population prend des habitudes. On ne peut pas dire
qu'il existe une demande spécifique en faveur de la mise en
place d'un festival."5
B - Les
capacités d'accueil des festivals en Bretagne.
- Utilisation de structures de spectacles préexistantes
Beaucoup d'organisateurs de festivals ou de concerts ponctuels
louent des salles des fêtes, salles de spectacles, hall
d'exposition, voir des étables pour certains (Festival des
Portes de l'Enfer à Braspart, voir 3.1.1a). Certains festivals
utilisent plusieurs structures à la fois comme les
Transmusicales (Salle Le Liberté de 6000 places, La Cité de
1300 places, l'Ubu de 400 places et Saint-Jacques Expo de 15 000
places), le festival Interceltique, ou Art Rock (Salle de Robien
de 2500 places, les Théâtres de 350 et 1000 places, l'espace
Bleu pluriel de 650 places).
Les festivals de moindre envergure utilisent le plus souvent des
salles multifonctions que l'on retrouve maintenant dans la
plupart de communes. C'est le cas de Totem dans la Nuit à
Ménéac (56), Polyrock à Lesneven (29) ou d'Insolent à Quimper
(29). D'autres organisateurs ajoutent une programmation libre
dans les bars en plus du spectacle en salle comme au festival
Barock à Dinan (22), Ils Maurons pas (56) ou les Bars en Trans
en marge des Transmusicales de Rennes.
- Création ex-nihilo de structures.
Souvent, les organisateurs de festivals se trouvent confrontés
à un manque de structure capable d'accueillir des manifestations
de moyenne ou grande envergure. Afin de résoudre ce problème,
les festivals se développent dans des espaces vides (places,
champs, quais, etc...) et font surgir de nulle part une structure
avec scènes, loges, toilettes et restauration. Les quelques
exemples ci-dessous montrent la variété de taille de ces
structures qui sont néanmoins très dépendantes de la
météorologie ce qui explique en partie leur existence
essentiellement estivale.
- Les Vieilles Charrues : Place du centre-ville puis
création d'une plate-forme événementielle de 27 000 m2 pouvant
accueillir jusqu'à 50 000 personnes extensible à 100 000
personnes en forme d'amphithéâtre naturel. Camping d'une
capacité de 10 000 personnes.
- La Route du Rock : Le Fort Vauban du XVIIIème de 7000
m2 peut accueillir 12 000 personnes). Camping d'une capacité de
5 000 personnes.
- Festival de Saint-Nolff : Vaste clairière de 23
000 m2 en pente qui peut accueillir jusqu'à 45 000 personnes).
Camping d'une capacité de 8 000 personnes.
- Le Pont du Rock : Terrain des sports à
proximité de la ville pouvant accueillir 8000 personnes avec un
camping à proximité.
- Festival des Tertres : Le tertre et ancien terrain des
sports au dessus du village peut accueillir 2000 personnes avec
possibilité de camping.
- Festival des Fiestas de l'été : L'utilisation d'un
terrain à proximité de la plage dans les dunes peut accueillir
5000 personnes avec camping à proximité.
- Supersonic Day 98 : L'amphithéâtre naturel face à la
mer et au fort peut accueillir 4000 personnes. Un camping
municipal est à proximité.
- Les Jeudis du Port : L'utilisation des quais du port de
commerce de Brest peut accueillir jusqu'à 50 000 personnes.
L'hébergement peut se faire dans les hôtels de la ville ou dans
les campings de la périphérie brestoise.
- Le Pénich' tro : La taille varie en fonction des sites
d'amarrage à Dinan, Evran, Rennes et Langon.
1
Propos recueillis dans "Le Rennais", septembre 98, n·291.
voir l'enquête menée par WANICH Stéphane, WATHIER Virginie, Les eurockéennes : un monde à part » in Les jeunes et engagement collectif », actes du colloque interntionales de Belfort de 1995, publication du Conseil Général du Territoire de Belfort, 1996, 275 pages.
voir entretien avec un festivalier de La Route du Rock 97 dans l'annexe 2.
Dossier sur les festivals, La Scène, Décembre 1997, N·7, p.19