1.2 - ANALYSE "DES PUBLICS" DES SPECTACLES DE MUSIQUES AMPLIFIÉES.


Participer à un concert de rock n'est plus considéré comme une manifestation de marginalisation d'individus face à la société car "la participation à un concert ne peut être considérée comme une pratique isolable de l'ensemble des pratiques qui structure l'identité sociale des individus. La prédisposition et la propension des jeunes à se rendre à un concert dépendent de l'importance qu'ils prêtent à la musique non seulement comme objet sonore mais aussi comme vecteur de socialisation, chargé de sens et d'affects."
1 D'après David Perchirin, on peut distinguer trois types de motivations pour aller au concert ; la première est constituée par l'importance de la musique dans le processus de construction d'une identité individuelle, la seconde recouvre le rapport que l'individu produit aux autres ; la troisième est en relation directe avec la communication des artistes et des lieux de diffusion par les médias.

La décision d'aller à un concert dépend du prix d'entrée mais aussi et surtout du groupe, de sa notoriété, de la rareté du passage, du type de musique ou de spectacle. En outre le public est également sensible aux caractéristiques du lieu de concert : scène en plein air ou dans une simple salle omnisports ou un grand théâtre. Enfin, le public peut être fidélisé par la connaissance de la compétence des organisateurs de concerts ou de festivals. Le public des concerts et des festivals de musiques actuelles et amplifiées est par conséquent multiple et assez hétérogène.

 

1.2.1 - L'HÉTÉROGÈNÉITÉ DU PUBLIC DES CONCERTS.



A - L'âge

D'après Olivier Donnat dans son étude menée sur les pratiques culturelles des français en 1989, un quart des 15-25 ans fréquente des concerts rock, 17% pour les 25-34 ans, 57% sont des hommes contre 43% femmes. Le concert de rock est l'activité culturelle préférée des jeunes après le cinéma. Une étude plus récente sur les jeunes et les sorties culturelles faisant l'objet de politique publique menée en 1995 précise que 41% des 12-25 ans auraient vu au moins un concert de rock dans l'année, ce qui le situait en deuxième position après le cinéma qui atteignait 90%.

Une autre enquête a été menée sur le plan national dans cinq équipements
2 dédiés aux musiques actuelles et amplifiées durant la saison 96-97. Cette étude est intéressante car ces équipements avaient pratiquement la même programmation, la même taille (entre 200 et 800 places) et une grande diversité sociogéographique. On note que 15 351 personnes ont répondu à l'enquête soit 80% des entrées. L'étude montre que l'âge moyen "des publics" des concerts est de 25 ans (écart-type de 8 ans). On constate également que 80% du public a entre 16 et 30 ans dont 67% entre 17 et 25 ans et 15% entre 16 et 18 ans. La part relativement faible des mineurs s'explique peut-être par les tarifs, l'interdiction parentale ou une programmation qui ne les intéressent pas. On note également que 64% du public est masculin avec une sur-représentation féminine (39% contre 36%) chez les mineurs.

Cette étude de l'âge est également corroborée par les données du tableau ci-dessous qui montre que la sortie au concert de rock symbolise le temps des copains qui correspond surtout aux 18 - 25 ans. En effet, ce tableau met en évidence que le rapport le plus fort avec la sortie au concert de rock est le temps des copains à près de 43% alors qu'il n'est que de 13% pour le jazz et 4% pour la musique classique. En outre, la faible représentation des mineurs se retrouve aussi dans la faible déclaration du rapport sortie en famille dans le cadre de concert de rock, seulement 9% contre 13% pour le jazz et 28% pour la musique classique.

 

Tableau 3 : Sept rapports aux concerts (rock, jazz et classique) des français.


Sont allés au cours des 12 derniers mois à un concert

ROCK

JAZZ

CLASSIQUE

La logique de l'occasion ou l'exceptionnel

3%

2%

9%

L'extérieur pour la sociabilité

15%

5%

3%

Le temps des copains

43%

13%

4%

La sortie standing

9%

12%

41%

Le temps des sorties en famille

9%

13%

28%

Les habitués des premières

37%

43%

54%

Les noctambules

44%

41%

49%

source : Olivier DONNAT, Les Français face à la culture », tableau 24, p.191



B - La situation professionnelle

Les inactifs représentent 46% du public dont 32% d'étudiants, 13% de lycéens et 1% de collégiens ce qui est équivalant à la structure par âge. Cette répartition varie suivant les villes à vocations universitaires ou scolaires. Un quart du public est classé dans les couches moyennes c'est à dire les professions intermédiaires et employés. Cependant il existe des disparités entre les salles car certaines accueillent un peu moins de 20% de public des couches moyennes alors que d'autres atteignent 30%. Suivant la localisation géographique des clubs, on constate également des disparités dans la proportion de chômeurs (10% en moyenne) qui va de 4% à 18% ainsi que celle des ouvriers (8% en moyenne) qui oscille entre 3% et 14% pour la MJC. Les artisans, commerçants et agriculteurs ne représentent que 3% du public.

Les cadres et professions intellectuelles supérieures représentent 6% sur l'ensemble des clubs dont deux tiers pratiquent une profession artistique. Le tableau 4 confirme que le fait de pratiquer une activité artistique en amateur prédispose à la sortie au concert notamment de musique amplifiée. On remarque également que cet impact sur les concerts de rock est légèrement inférieur à celui sur les concerts de musique classique. En fait, plus l'individu déclare pratiquer différentes activités artistiques en amateur, plus il fréquente d'autres spectacles.

 

Tableau 4 : L'activité artistique amateur et la fréquentation des concerts rock et classique par les français.


Sont allés au cours des 12 derniers mois à un concert

ROCK

CLASSIQUE

Pratique aucune activité artistique

5%

7%

Pratique une activité artistique

7%

17%

Pratique deux activités artistiques

16%

22%

Pratique trois ou quatre activités artistiques

20%

25%

Pratique cinq activités artistiques

22%

28%

source : Olivier DONNAT, Les Français face à la culture », tableau 17, p.194


C - La mobilité géographique.

L'étude permet d'observer le rayonnement des clubs. On observe ainsi que le public départemental représente entre 67% et 90% du total suivant les clubs. Les salles de province ont un rayonnement plus important qui déborde du département voir de la région en fonction des programmations. En moyenne, le public vient pour un tiers de la commune de localisation du club. Cependant, plus une salle est située dans un tissu urbain dense, moins les habitants de la commune d'implantation sont représentés. Par contre, plus la commune d'implantation du club s'apparente à une ville-centre, plus le public sera concentré dans cette ville ou dans les villes centres voisines. L'étude parle également de bassins de spectateurs radios-concentriques et axiales que nous abordons également dans le troisième chapitre dans les facteurs de localisation des lieux de diffusion.

Si on analyse la représentation du public en fonction de la distance et de son âge, on constate alors que le public très jeune (moins de 16 ans) habite en majorité à moins de 25 km de la salle alors que les 21 - 30 ans viennent surtout d'une zone supérieure à 25 km. Les plus de 30 ans sont autant représentés dans les deux zones. On peut en déduire que les 21-30 ans qui constituent le plus gros du public sont également très mobiles et n'hésitent pas à faire plus de 25km pour assister à un concert alors que le public mineur qui ne dispose pas de moyen de locomotion ne dépasse pas la limite de la ville (2/5 des spectateurs de la zone inférieure à 5km est mineur).



D - L'hétérogénéité des publics.

L'étude pratiquée sur le public des cinq salles montre que les concerts de musiques amplifiées n'attirent pas un public homogène. Il n'est pas aussi jeune que dans les clichés souvent répandus sur les concerts. Toutes les couches sociales y sont représentées. Les concerts de hip-hop et de rock tendance dure sont plus fréquentés par les jeunes de sexe masculin alors que le jazz, la chanson et musiques du monde ont une proportion de femmes plus importante et une moyenne d'âge plus élevée. Certains concerts d'une même "famille" musicale peuvent présenter des structures sociologiques très différentes, réfutant l'idée d'une famille attirant un même public.

Dans le public de musique actuelle on retrouve alors trois grands types de public définis par David Percherin : l'amateur, l'intéressé et le consommateur. L'amateur est défini par son haut niveau de compétence spécialisée dans un style musical ou éclectique. La place de l'univers musical est primordiale dans la construction de son identité avec une identification forte aux codes et normes véhiculés par la musique. L'amateur va fréquemment au concert de groupes pas très connus dans de petites salles ou festivals spécialisés. L'intéressé a un bon niveau de connaissance de la musique mais est moins expert et certain que l'amateur. La musique est souvent partagée dans son cas avec d'autres pratiques culturelles ou de loisirs. Ce public a une préférence pour les artistes reconnus par les amateurs même si le côté inédit est moins important. Enfin, le public consommateur n'est pas très connaisseur et se remet souvent aux avis des médias. Il se limite à quelques concerts d'artistes très connus. Certaines personnes participent à des festivals sans vraiment se soucier des artistes car ils viennent surtout pour l'ambiance.

La sociologie des publics peut sembler hasardeuse cependant l'analyse du public des mêmes groupes dans des salles et des zones géographiques très différentes montre un profil de public relativement semblable. On peut alors tenter de comprendre les publics dans la combinaison de leurs goûts musicaux et non dans la familiarité des musiques. Un adepte de hard-rock peut également aller à un concert de musique du monde et ne pas aller à un concert de pop-rock. "La diversité des publics des musiques amplifiées est alors un élément fondamental d'une nouvelle lecture de la place des équipements qui leur sont dédiés dans les politiques culturelles locales et nationales. Elle doit permettre de contribuer à modifier l'image d'un public homogène, très souvent présente au sein de l'opinion publique voire des sphères de décision politique."
3





1.2.2 - LE PUBLIC DES CONCERTS DE MUSIQUES ACTUELLES EN BRETAGNE.




A - Données générales sur les concerts en Bretagne.

La Bretagne est une région où la musique est l'un des principaux fondements de son identité culturelle. Outre le patrimoine important des musiques traditionnelles, les bretons sont également demandeurs de musiques actuelles et notamment amplifiées. Les festivals de musiques amplifiées représentent 13,6% (17,7% en incluant les festivals de jazz) du total des entrées des festivals subventionnés par la DMD dans la région. De plus, ils représentent 22% du total des entrées des festivals de rock subventionnées en France mais seulement 8% en élargissant aux festivals de jazz. Les festivals rock en France représentent 5,5% du total des subventions de la DMD contre 13% pour le jazz. Les festivals bretons représentent 9% de l'ensemble des subventions de la DMD tout styles confondus.
4

En outre, d'après les Fonds de Soutien
5, les spectacles en Bretagne tous styles confondus généraient moins de 3,5% du total des taxes parafiscales des spectacles en France contre 45% pour l'Ile de France, 8% pour Rhône-Alpes ou 7% en région PACA. Paris concentre 44,23% du montant total des taxes parafiscales prélevées sur les spectacles alors que Rennes n'atteint que 1,32%. En fait, ces données traduisent le fait que les spectacles qui dégagent le plus de recettes (grands concerts de groupes internationaux et souvent très commerciaux dans les grandes villes françaises) ne passent pas dans la région Bretagne qui favorise la fréquence des concerts de taille plus modestes dégageant moins de taxes mais profitant à la diversité musicale actuelle et traditionnelle.




B - Etude comparée du public des festivals Art rock 96 de Saint-Brieuc et La Route du Rock 97 de Saint-Malo.

Les différents tableaux ci-dessous sont tirés de deux enquêtes réalisées sur le public du festival Art Rock 96 de Saint-Brieuc et La Route du Rock 97 et 98
6 de Saint-Malo. En comparant les caractéristiques socio-professionnelles des deux festivals, il en ressort que malgré la similitude des deux villes en taille, on trouve des publics complètement différents alors que les deux festivals proposent des choix artistiques parfois proches sauf dans le domaine du théâtre, de la danse et du rap absents à Saint-Malo.

Le public enquêté lors de La Route du Rock 97 est composé pour les 3/4 de jeunes de moins de 25 ans contre seulement la moitié pour Art Rock qui compte 1/3 de plus de 30 ans contre 8% à Saint-Malo (Tableau 5). Pratiquement la moitié du public de La Route du Rock est étudiant pour moins de 20% à Saint-Brieuc. Le festival malouin n'a que 40% d'actifs dans son public alors que le festival briochin atteint 60% (Tableau 6). Enfin, 61% du public est masculin à Saint-Malo contre 56% à Saint-Brieuc (Tableau 7).

 

Tableau 5 : Public d'Art Rock 96 et La Route du Rock 97 par classe d'âge.


CLASSE D'AGE

ART ROCK 96

LA ROUTE DU ROCK 97

MOYENNE

moins de 20 ans

23,87%

32,11%

27,99%

21 - 25 ans

24,41%

44,08%

34,24%

26 - 30 ans

18,73%

14,79%

16,76%

31 - 35 ans

14,26%

5,35%

9,80%

36 - 40 ans

7,13%

1,83%

4,48%

41 - 45 ans

5,64%

1,13%

2,66%

plus de 45 ans

4,95%

0,42%

2,92%

TOTAL

100,00%

100,00%

100,00%

Source : Enquête sur les publics de festivals de musiques actuelles Art Rock 96 (1033 personnes enquêtées soit 12% du public) et la Route du Rock 97 (1164 personnes soit 10% du public).

En approfondissant les données sur les activités professionnelles dans le tableau 6, on remarque que les proportions des différentes catégories des actifs entre les deux festivals sont pratiquement les même notamment pour les cadres, les professions intermédiaires (tout deux autour de 27%) et les employés (entre 18 et 20%). Cependant la proportion de chômeurs représente 18% des actifs à Art Rock contre 14% à Saint-Malo.
Art Rock semble être un festival moins marqué par la présence des jeunes étudiants que La Route du Rock (73%d'étudiants de la population inactive contre 46% pour Art Rock) qui apparaît plus spécialisé. Cette différence n'est pas due à la présence universitaire dans ces deux villes qui est quasiment inexistante sauf peut-être à Saint-Brieuc qui compte près de 2000 étudiants. La programmation en août du festival malouin peut permettre d'expliquer cet écart puisque les étudiants en vacances en août sont très mobiles et accepte de camper sur place alors qu'en octobre à Saint-Brieuc c'est plus difficile. Ce n'est cependant pas l'unique facteur.

 

Tableau 6 : Public d'Art Rock 96 et La Route du Rock 97 par PCS.


CLASSE D'AGE

ART ROCK 96

LA ROUTE DU ROCK 97

Agriculteurs

0,29%

0,48%

0,52%

1,40%

Artisans, commerçants

2,27%

3,78%

1,38%

3,94%

Cadres et professions intel. sup.

16,47%

27,45%

10,05%

28,72%

professions intermédiaires

16,26%

27,10%

9,45%

27,00%

employés

10,86%

18,10%

7,13%

20,37%

ouvriers

2,37%

3,95%

2,32%

6,62%

chômeurs

11,08%

18,46%

4,90%

14,00%

sous total actifs

59,60%

100,00%

35,75

100,00%

étudiants

18,81%

46,55%

47,08%

73,27%

scolaires

13,50%

33,41%

10,40%

16,18%

autres inactifs

6,92%

17,12%

3,35%

5,21%

sous total inactifs

39,22%

100,00%

60,83%

100,00%

TOTAL

100,00%

 

100,00%

 

Source : Enquête sur les publics de festivals de musiques actuelles Art Rock 96 (1033 personnes enquêtées soit 12% du public) et la Route du Rock 97 (1164 personnes soit 10% du public).
Ne sont pas indiquées les non-réponses.

Le tableau 7 permet de vérifier la statistique nationale qui montrait une plus faible présence féminine dans les concerts de musiques actuelles. Cependant, le festival Art Rock attire plus le public feminin avec sa programmation plus orientée vers la chanson, la danse et le théâtre qui révèle lors de l'enquête une plus grande proportion de femmes alors que les concerts de musique amplifiée attire plus un public masculin comme à La Route du Rock autour de 60%.

 

Tableau 7 : Public d'Art Rock 96 et La Route du Rock 97 par sexe.


SEXE

ART ROCK 96

LA ROUTE DU ROCK 97

MOYENNE

Homme

56,84%

61,00%

58,92%

Femmes

43,16%

39,00%

41,08%

TOTAL

100,00%

100,00%

100,00%

Source : Enquête sur les publics de festivals de musiques actuelles Art Rock 96 (1033 personnes enquêtées soit 12% du public) et la Route du Rock 97 (1164 personnes soit 10% du public).

Il est intéressant d'étudier également la mobilité du public des festivals Art Rock et La Route du Rock qui est complètement différente (cf tableau 8). Dans le cas d'Art Rock, le public est essentiellement local puisque la moitié réside à moins de 10 km et 68% à moins de 40 km (cf.
carte 2 - 110K), le public breton représentant 93% du total alors que dans le cas La Route du Rock, on constate une grande mobilité du public puisqu'il y a plus de 92% du public qui réside dans une commune à plus de 40 km de Saint-Malo (cf. carte 3 - 146k) avec la quasi totalité des départements représentés contrairement à Art Rock (cf. carte 1 - 86k). La part du public originaire de Bretagne est de 42% et seulement 5% habite à moins de 10km du festival.

Cette différence ne peut pas s'expliquer par une différence de taille de population car dans un rayon de 20km autour des deux festivals on atteint le même nombre d'habitants (environ 140000). Ceci renforce l'idée que les publics de musiques actuelles ne sont pas identique. La logique de la proximité géographie n'est pas toujours vérifiée. A Saint-Malo, le phénomène festival d'été peut éventuellement expliquer en partie cette énorme différence mais il reste d'autres facteurs d'explication notamment dans le choix artistique et la couverture médiatique.

 

Tableau 8 : Public d'Art Rock 96 et La Route du Rock 97 par régions.


CLASSE D'AGE

ART ROCK 96

LA ROUTE DU ROCK 97

Bretagne

93,63%

42,63%

< 10 km du festival

49,20%

4,42%

de 10 à 20 km

10,16%

1,89%

de 20 à 40 km

8,61%

1,50%

sous total de 0 à 40 km

67,97%

7,81

Pays de Loire

2,60%

12,76%

Basse - Normandie

0,77%

10,08%

Ile de France

1,26%

13,37%

Reste de la France

1,35%

20,78%

Etrangers

0,39%

0,38%

TOTAL

100,00%

100,00%

Source : Enquête sur les publics de festivals de musiques actuelles Art Rock 96 (1033 personnes enquêtées soit 12% du public) et la Route du Rock 97 (1164 personnes soit 10% du public).
Pour 61% du public (tableau 9), il s'agissait de leur première Route du Rock et pour 35% d'entre eux, les plus jeunes notamment, c'était également leur premier festival... Dans le cas d'Art Rock, le public pour qui s'est la première édition représente seulement 28%. La différence peut s'expliquer par le fait qu'il s'agisse d'un festival qui existe déjà depuis 15 ans et qui a su se faire un public d'habitués qui vient à une saison moins propice (37% du public vient au moins depuis trois ans). Néanmoins la proportion de nouveau venus à Saint-Malo traduit aussi le succès du festival en pleine croissance. Sur les 8500 personnes éstimées présentent à l'édition 97 (18500 entrées sur les trois soirées), 5200 venaient pour la première fois, ce qui signifie également qu'une grande partie du public de l'édition 96 n'est pas revenu.

 

Tableau 9 : Public d'Art Rock 96 et La Route du Rock 97 par nombre d'éditions suivis.


NOMBRE D'ÉDITIONS

ART ROCK 96

LA ROUTE DU ROCK 97

MOYENNE

1ère fois

28,26%

61,81%

45,03%

entre 2 et 3 fois

35,67%

29,64%

35,65%

plus de 3 fois

37,07%

8,55%

22,81%

TOTAL

100,00%

100,00%

100,00%

Source : Enquête sur les publics de festivals de musiques actuelles Art Rock 96 (1033 personnes enquêtées soit 12% du public) et la Route du Rock 97 (1164 personnes soit 10% du public).

Dans l'enquête menée sur La Route du Rock, 63% des personnes enquêtées déclarent fréquenter un autre festival de rock ou apparenté. 33% ne font qu'un autre festival, 19% en font 2, 7% en font 3 et 2% en font plus de 3. En outre, on note que pour 14% du public, la Route du Rock est leur premier festival. On retient que sur l'ensemble des festivals cités, les plus fréquentés sont : Les Transmusicales de Rennes (26%), Les Eurockéennes de Belfort (23%), le Festival Saint-Nolff dans le Morbihan (15%), Les Inrockuptibles sur toute la France (10%), le Printemps de Bourges (7%), le festival de Reading (7%) et enfin Le Champ du Rock de Saffré en Loire-Atlantique (6%). Le reste des citations se réparti sur une quarantaine de festivals français dont une grande partie en Bretagne.

Le mode de déplacement des festivaliers est également très différents suivant les festivals. Plus de 3/4 de ces festivaliers se déplacent en voiture. Dans le cas de Saint-Malo, 11% du public prend le train et utilisent la navette entre Saint-Père et Saint-Malo. Pour Art Rock le train est moins important car une grande partie du public est locale et vient même à pied pour 15%. Le stop semble être un bon moyen de locomotion pour 3% du public de La Route du Rock et 1,5% du public d'Art Rock.

La
carte 4 (138k) apporte une information complémentaire sur les déplacements des festivaliers car elle permet de visualiser le flux entre le lieu de résidence principale et le lieu de location de la place. On observe ainsi qu'une grande partie du public extérieur à la Bretagne loue sa place en Ille et Vilaine. Mais on observe que Paris polarise également beaucoup d'individus de l'ensemble du territoire français qui y achètent leur place. On retrouve une polarisation à un degré moindre au Mans, à Caen, Nantes et dans le Finistère. Les flux vers la Lorraine s'expliquent par la localisation à Nancy du Tour-Operator Voyages 4A qui affrète des cars depuis le sud-est, le sud-ouest, l'est et Paris.

Le mode d'hébergement des festivaliers est assez particulier. A Saint-Malo il existe maintenant le "fameux camping des douves du Fort" (nom exact  fossés ») célèbre pour ses animations nocturnes. En effet, la moitié du public enquêté sur La Route du Rock 97 reste sur le camping aménagé sur place (soit environ 2 à 3personnes par soir!) 12% des festivaliers rentrent chez eux, 11% vont dans les autres campings du Pays malouin, 7% vont chez des amis ou la famille, 5% vont à l'hôtel, le reste préférant dormir dans les voitures, sur la plage, en chambre d'hôtes ou en résidence secondaire...Sur Art Rock, qui se déroulait encore en octobre en 1996, on relevait que 78% du public rentrait chez lui, 11% était hébergé chez des amis, 5% dans la famille, 3% à l'hôtel et 3% ne savait pas vraiment où ils allaient dormir (voiture, belle étoile, nuit blanche etc...)

Le public de La Route du Rock s'est prêté au jeu de l'estimation du budget consacré au festival en dehors du prix du billet. Cette question n'apparaissait pas dans le questionnaire d'Art Rock. Il en ressort que le budget moyen d'un festivalier est de 232&nbspF. Cette somme moyenne multipliée par le nombre de festivaliers laisse supposer que le public de La Route du Rock a dépensé près de 2 millions de francs pour ces trois jours de festivals!

Enfin, l'enquête réalisée sur le public d'édition 98 de la Route du Rock a permis de constater que pour 62% des personnes interrogée, le festival était l'occasion d'une sortie en groupe contre 30% à deux personnes et 7% tout seul. En outre, on apprend que tous les festivaliers ne sont pas des passionnés de musique car 11% d'entre eux achètent moins de cinq disques par ans, 55% en achètent entre 5 et 20 par ans et 32% plus 20 jusqu'à 100 pour les grands passionnés. Le festival est donc pour une grande partie du public un moment privilégié de sortie conviviale avec des amis même s'ils ne sont pas très passionnés par la musique.




C - Le public étudiant breton et les musique actuelles amplifiées.

On a vu que le public de La Route du Rock 97 était constitué de 47% d'étudiants. Cette proportion très importante nous amène donc à étudier cette spécificité du public étudiant en Bretagne.

Une enquête menée sur les modes de vie des étudiants en Bretagne
7 montre que 52,5% d'entre eux participent au moins à un concert de rock dans l'année, le jazz quant à lui ne représente que 16,4%. Le public occasionnel de concert de rock qui fait moins d'un concert par mois représente 44,8%, 15,2% pour le jazz alors que les habitués (ceux qui font plus d'un concert par mois) ne représentent que 7,6% pour les concerts de rock et à peine 1,1% pour le jazz, Dans le tableau 10, la proportion de femmes qui fréquentent plus d'une fois par ans les concerts de rock 5,5% est assez inférieure à celle des hommes qui atteint 10%. Cependant, la proportion féminine est légèrement supérieure à la moyenne pour les concerts occasionnels.

On constate également que plus l'étudiant est jeune, plus il déclare fréquenter au moins un concert par an. En effet 53,5% des moins de 21 ans déclarent aller au moins à un concert dans l'année contre 48,7% pour les plus de 22 ans. Ceci fait apparaître que l'entrée dans le monde étudiant s'accompagne d'une vie culturelle plus intense que vers la fin de la vie universitaire plus contraignante pour certains se préparant à rentrer dans la vie active.

L'origine sociale de l'étudiant semble avoir également une influence sur la pratique des concerts de rock. On constate en effet, que seulement 41,7% des étudiants dont le père est agriculteur fréquentent au moins un concert de rock par an contre 57% des étudiants dont le père est cadre ou exerce une profession intermédiaire, la moyenne étant de 52,5%. Cet écart est même amplifié pour le jazz qui apparaît encore comme une musique très élitiste. Cependant, on peut relever que la proportion des habitués de concert, plus d'un par mois, est pratiquement la même quelle que soit l'origine sociale hormis pour les enfants de commerçants et artisans qui atteint les 10% contre 7% en moyenne pour les autres.


 



Tableau 10 : Les étudiants et les musiques amplifiées en Bretagne. (pourcentage en ligne sauf pour le total en colonne)



Va au concert par mois

jamais



< 1fois



> 1 fois



Total

Sexe



Rock



Jazz



Rock



Jazz



Rock



Jazz



100,00

homme

45,99

84,14

43,97

14,47

10,04

1,39

46,26

femme

48,80

83,09

45,66

15,99

5,54

0,92

53,74


Age









100,00

< 21 ans

46,41

85,15

46,19

14,02

7,41

0,83

83,58

21 - 22 ans

48,32

84,45

42,97

13,89

8,71

1,65

15,29

> 22 ans

51,25

73,94

42,26

24,42

6,49

1,54

1,14


Profession du père









100,00

agriculteurs

58,69

92,01

34,40

7,99

6,91

-

6,71

commerçants, artisans

47,38

83,86

41,97

14,62

10,65

1,52

10,45

professions intel. sup.

43,42

79,69

49,55

18,78

7,03

1,54

33,65

professions intermédiaires

43,05

79,32

48,16

19,05

8,79

1,63

23,65

employés

46,40

88,17

46,77

11,25

6,84

0,58

12,53

ouvriers

49,09

90,08

44,33

9,60

6,57

0,32

16,95

retraités

82,05

87,55

17,95

12,45

-

-

1,91

non-réponse et autre

58,33

75,92

34,35

21,66

7,32

2,42

5,00


TOTAL

47,51



83,59



44,87



15,27



7,62



1,14



100,00


Source : Enquête sur les modes de vie étudiantes en région Bretagne 1992-1993. 3469 individus Jean Pihan.

Le tableau 11 permet de croiser des variables socioculturelles avec la fréquence des concerts. Il permet de constater que l'étudiant qui fréquentent les concerts de rock est également consommateur de livres. En effet, plus l'étudiant déclare acheter de livre, plus on observe que sa fréquentation des concerts de rock est importante. De même, le fait de jouer d'un instrument est fondamental dans la fréquentation de concert de rock et encore plus dans le jazz. 63,8% des étudiants qui déclarent jouer d'un instrument fréquentent un concert de rock plus d'une fois par mois et 76,7% pour les concerts de jazz.

En outre, les étudiants participant à une association culturelle ou pratiquant un sport semblent également plus sortir au concert. Curieusement, les étudiants qui déclarent vivre seuls fréquentent moins les concerts de rock que les étudiants qui déclarent vivre en couple notamment les couples non cohabitants.

L'analyse de la filière suivie par les étudiants peut aussi révéler des disparités dans la pratique des concerts même si ces données sont à prendre avec précaution du fait de l'échantillonage des étudiants. Pour résumer, on peut dire que les étudiants qui fréquentent le plus les concerts rock suivent les filières Droit-Sciences Po, Economie - Gestion, langues étrangères, et Sciences appliquées. Par contre, les étudiants en médecine, AES, MASS et sciences de la vie-univers semblent être un public plus occasionnel. Cela peut s'expliquer par la difficulté des études et notamment la préparation aux concours.

Les concerts de jazz sont surtout fréquentés par les étudiants en Economie-Gestion, Lettres-Arts, Langues, Sciences Humaines, Sciences de la vie-univers et plus timidement par les étudiants qui préparent les concours de pharmacie et médecine.

 

Tableau 11 : Le mode de vie des étudiants en Bretagne et la fréquentation des concerts. (pourcentage en colonne)



Va au concert par mois

jamais



< 1fois



> 1 fois



Total

 

Rock



Jazz



Rock



Jazz



Rock



Jazz



Joue d'un instrument

oui

55,45

53,99

56,87

63,99

63,88

76,74

55,82

non

46,55

46,01

43,13

36,01

36,12

23,26

44,18

TOTAL

100,00

100,00

100,00

100,00

100,00

100,00

100,00

Livres lus

jamais

22,96

20,77

16,32

11,57

12,93

4,65

19,15

de 1 à 4

50,03

42,65

51,05

47,94

50,19

55,82

51,89

5 à 9

23,83

23,58

26,87

37,32

32,32

37,21

25,87

plus de 9

3,17

3,09

2,76

3,17

4,56

2,33

3,09

 

100,00

100,00

100,00

100,00

100,00

100,00

100,00

Mode de vie

Pas en couple

69,32

67,82

63,40

57,46

61,98

53,49

66,04

Couple non cohabitant

21,03

23,61

28,44

31,34

27,00

30,23

24,89

Couple cohabitant

9,65

8,56

8,16

11,19

11,03

16,28

9,07

 

100,00

100,00

100,00

100,00

100,00

100,00

100,00

Type d'études

Médecine, pharm, etc

1,93

2,18

2,51

1,49

0,38

2,33

2,08

Droit et Science Po

4,73

4,51

4,27

5,41

6,46

4,65

4,65

Economie gestion

10,83

11,23

11,30

11,38

14,45

16,28

11,32

AES et sc soc app

7,16

6,80

5,96

4,10

3,80

4,65

6,35

Lettres et Arts

5,91

5,79

6,84

8,96

6,08

11,63

6,35

Langues étrangères

7,84

7,87

7,28

6,72

9,51

9,30

7,71

Sc Hum / Sociales

11,89

11,93

12,87

16,04

15,21

13,95

12,59

MPC / MASS

22,59

21,50

21,09

21,27

14,45

6,98

21,28

Sc appliquées

18,11

18,83

18,02

15,67

21,29

16,28

18,31

Sc de la vie / univers

9,02

9,36

9,86

8,96

8,37

13,95

9,36

TOTAL

100,00

100,00

100,00

100,00

100,00

100,00

100,00

Source : Enquête sur les modes de vie étudiantes en région Bretagne 1992-1993. 3469 individus Jean Pihan.


 


CONCLUSION DE CHAPITRE 1


On a vu que l`évolution des musiques actuelles et amplifiées est étroitement liée au progrès technique et à l'équipement des ménages. L'avancée de l'écoute de ces musiques est surtout significative depuis les années 80 et la fréquentation des concerts est en constante augmentation notamment en Bretagne ou la pratique de ces sorties culturelles semblent être de plus en plus prisées par la population assez jeune. La culture musicale bretonne est certainement un facteur fondamental de cette pratique (voir aussi l'essor des fest-noz).

L'approche des concerts par l'étude du public contribue à la compréhension du système car elle apporte des informations importantes sur les différentes formes de la demande culturelle (grande mobilité, public plus hétérogène que dans les autres sorties culturelles...). En outre, cette demande culturelle peut également générer une envie de production culturelle pour certains individus qui passent alors du rôle de récepteur d'une oeuvre au rôle d'émetteur en devenant à leur tour musicien (créateur de l'oeuvre) ou producteur de la diffusion.


1

PERCHIRIN David,  Pratique musicales et construction de l'identité "jeune" : quelques éléments de réflexion sur les concerts de musiques actuelles » in  Les jeunes et engagement collectif », actes du colloque interntionales de Belfort de 1995, publication du Conseil Général du Territoire de Belfort, 1996, 275 pages.



  Suite


  Retour sommaire


2

Le Bilbo à Elancourt (78), La Clef à St-Germain (78), La Clé des Champs à Plaisir (78), Le Florida à Agen (47) et la MJC à Montluçon (03).

3

MIGEOT Xavier, (coordinateur du GEMA) Les publics des concerts de musiques amplifiées : recherche sur des population hétérogènes, note de synthèse du GEMA, avril 1997.

4

CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL,  Evènements culturels et développement local »,Rapport du CES, Philippe de Chartres, 1997, p.45.

5

.voir note 15.

6

Questionnaires sur le public de la Route du Rock 98 en annexe.

7 Enquête sur les modes de vie étudiantes en région Bretagne 1992-1993. auprès de 3469 individus réalisée par Jean Pihan, laboratoire Rennes2ESO-AURAUR.